En ne regardant (presque) que les bons côtés
« Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 risque de faire des jaloux au sein des autres professions de santé qui peuvent avoir le sentiment qu’il n’y en a que pour les pharmaciens », déclare Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Ce texte est, en effet, majeur pour les officinaux qui figurent en bonne place dans ce nouveau millésime.
Les motifs de satisfaction ne manquent pas : élargissement du droit de prescription et d’administration des vaccins sur la base des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) ; consultation de prévention à trois périodes clés de la vie : 20-25 ans, 40-45 ans et 60-65 ans ; gratuité de la contraception d’urgence à toutes les femmes ; remplacement dans la loi de la possibilité de réaliser des TROD (tests rapides d’orientation diagnostique) par des tests (modification nécessaire pour permettre au pharmacien de réaliser le dépistage de la cystite aiguë) ; possibilité de négocier conventionnellement avec l’Assurance maladie une rémunération à l’acte pour le dépistage du cancer colorectal, le portage à domicile et la délivrance à l’unité des stupéfiants ; inscription dans le Code de la sécurité sociale de la prise en charge du renouvellement d’exception d’un mois d’une ordonnance de trois mois expirée…
« Tout ce qui avait été promis sur la prévention et la vaccination y est », se félicite également Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Cependant, plusieurs sujets pour la pharmacie d’officine ne sont pas apparus dans ce PLFSS : la vaccination par les pharmaciens des enfants et adolescents de 2 à 16 ans, la dispensation sous protocole hors structure coordonnée, la sérialisation, le cannabis thérapeutique… Les syndicats pharmaceutiques ont d’ores et déjà annoncé qu’ils proposeront plusieurs amendements aux parlementaires. À côté de cet important volet consacré à la convention pharmaceutique, « ce PLFSS est très contrasté et entaché de deux gros points noirs », estime Philippe Besset. L’un est récurrent : les économies à réaliser sur les médicaments et les dispositifs médicaux, pour un montant projeté en 2023 de 1,1 milliard d’euros (900 millions de baisse de prix + 200 millions issus de la clause de sauvegarde). Un effort insurmontable pour le LEEM (Les entreprises du médicament) qui, selon ses prévisions, annonce une facture d’économies de plus de 3 milliards d’euros qui pèsera sur le médicament, « alors que le pays n’a pas encore surmonté la crise du Covid, que les patients peinent à accéder aux innovations les plus récentes, et que l’inflation et la politique de prix du gouvernement mettent à mal le modèle de recherche, d’innovation et de production industrielle de l’ensemble des acteurs du secteur ».
Depuis l’avenant 11 de 2017 et la transformation d’une grande partie de la marge en honoraires, la rémunération des pharmacies est moins sensible aux baisses de prix. « Il est question aussi de remplacer la négociation au cas par cas des prix des dispositifs médicaux avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) par une marge réglementée. On ne sait pas encore si cette mesure sera une bonne ou une mauvaise nouvelle », s’inquiète Philippe Besset.
Le second point noir dans ce PLFSS est arrivé par surprise : la possibilité offerte au ministère de la santé de négocier les prix des médicaments et leur disponibilité par appel d’offres, notamment des génériques, ce qui mettrait fin au remboursement des médicaments non retenus et porterait un coup fatal à l’économie officinale qui serait alors amputée de 30 % de son résultat net. Syndicats, groupements et industriels exigent le retrait immédiat de cette disposition du PLFSS qui contredit les fondements de la politique conventionnelle prévoyant la gestion des prix par le CEPS en consultation avec les industriels. Dans le cas inverse, les pharmaciens devront prendre à bras-le-corps leur rôle d’acteur de santé publique et les nouvelles missions, car ils ne pourront pas éternellement compter sur les profits liés à l’activité Covid-19.
JN