Succès de l’expérimentation d’OSyS
Après dix-huit mois, la première phase de l’expérimentation OSyS (Orientation dans le Système de Soins) est terminée. Portée par l’association Pharma Système Qualité (PHSQ), le but de cette expérimentation autorisée en Bretagne dans le cadre de l’article 51 est de démontrer l’utilité des pharmaciens dans la prise en charge du premier recours dans les zones de désertification médicale.
Preuve de son succès : alors que 37 pharmacies ont participé à la première phase d’OSyS, 110 ont répondu à l’appel à candidatures pour la deuxième phase en à peine deux jours. Une quarantaine d’entre elles ont été sélectionnées, portant le nouveau nombre d’officines bretonnes participantes à 74.
Bientôt trois nouvelles régions
« Six autres régions se sont manifestées pour mettre en place OSyS. Mais d’un point de vue des ressources, nous sommes en capacité de n’accompagner que trois régions », explique Nicolas Fauquet, directeur opérationnel de PHSQ et responsable scientifique de l’expérimentation OSyS. Ce pharmacien à l’origine du projet OSyS avec Martine Costedoat, directrice de PHSQ, va former les formateurs en régions. Ceux-ci ne pourront candidater qu’à partir du moment où le nouveau cahier des charges pour la phase 2 de la région Bretagne aura été déposé, a priori fin mars. Une journée de formation aux protocoles de triage en présentiel est obligatoire. « Nous demandons aux pharmaciens de venir pour rencontrer en direct les médecins, ainsi que l’URPS médecins libéraux. C’est un signal extrêmement fort : cette expérimentation n’est pas faite contre les médecins, mais avec eux ! Nous allons former les pharmaciens à la méthodologie et allons également expliquer tout le pilotage nécessaire pour un projet comme celui-ci. Il faut que nous puissions transmettre ! », conclut Nicolas Fauquet.
Déroulé du triage
Trois possibilités se présentent au pharmacien lors du triage. « Soit il identifie une situation d’urgence à l’aide de l’arbre de triage informatique. Dans ce cas, il va flécher le patient vers les urgences et générer un compte rendu spécifique destiné au permanencier des urgences, qui comprend d’un coup d’œil la nature de cette urgence. » Cela évite une attente longue pour le patient et améliore la qualité de sa prise en charge.
Deuxième possibilité : le patient a cherché en vain une consultation chez un médecin. « Conclusion : dans 58 % des cas, les patients pouvaient être pris en charge par le pharmacien. Le triage évite donc de prendre du temps médical aux cas nécessitant réellement un médecin. Or, ce temps médical est d’autant plus précieux qu’il s’agit d’une zone de désert médical ! »
Enfin, OSyS a également démontré son utilité pour les patients qui se rendent en pharmacie pour une automédication. Or dans 24 % des cas, leur état implique une orientation vers un médecin, voire vers les urgences.
Cette qualité du triage est corroborée par plusieurs éléments : 100 % des patients triés dans le cadre d’OSyS ont été systématiquement rappelés deux jours plus tard par le pharmacien. « Celui-ci vérifie lors de cet appel que le patient a bien suivi sa préconisation et que son état de santé s’est amélioré. Dans 94 % des cas, l’état de santé du patient est meilleur. Concernant les 6 % restants, nous trouvons une surreprésentation de ceux qui n’ont pas suivi nos préconisations, ou qui sont dans un état grave nécessitant une chirurgie par exemple », précise Nicolas Fauquet.
Les enseignements
Le premier est une adhésion très forte des pharmaciens au projet. « Ce point est capital, car si OSyS a pour vocation de passer à l’échelle nationale conventionnelle, cette adhésion massive des pharmaciens est nécessaire », insiste Nicolas Fauquet.
Deuxième grand enseignement : le triage est efficace d’un point de vue clinique. « Ce point est au cœur de l’expérimentation. Avec OSyS, on arrive à éviter plus de 75 % des adressages inutiles aux urgences ! », s’exclame Nicolas Fauquet, qui assure qu’à ce stade, les évaluateurs externes du cabinet IQVIA ont confirmé ces chiffres.
Le troisième enseignement concerne la satisfaction du patient évaluée par les évaluateurs externes. « 99 % des patients sont très, très satisfaits. Nous avons récolté des commentaires dithyrambiques sur les pharmaciens ! » Cela montre que le patient identifie la qualité de cette prise en charge. Il est reçu dans un espace de confidentialité, répond à un questionnaire assez long, après quoi un compte rendu est établi. Il repart avec des documents à l’attention du médecin ou du service des urgences, et est rappelé à J+2 par le pharmacien.
Précision également importante, aucun médecin ne s’est positionné contre cette expérimentation. « Sur les 1 500 triages effectués par les pharmaciens en phase 1, aucun médecin n’a relevé d’erreurs d’orientation des patients. »
Seul petit bémol
En revanche, la communication entre les pharmaciens et les médecins de leur environnement n’a pas été suffisamment abordée lors de la première phase. « Malgré les comptes rendus et courriers de l’URPS médecins libéraux, une partie d’entre eux n’a pas suffisamment identifié le projet OSyS. Du coup, certains médecins ont découvert par “surprise” l’expérimentation, ce qui n’a pas simplifié certains échanges interprofessionnels. Cela fait partie des points que nous allons améliorer en phase 2. Cependant, passé l’effet de surprise, il n’y a pas eu de scud de médecins vis-à-vis de pharmaciens ! » Un plan de communication beaucoup plus ambitieux a donc été élaboré pour aller au-devant des médecins et leur présenter le projet.
La rémunération
Pour cette mission de prise en charge de premiers recours, l’indemnisation des pharmaciens est de 10+5 euros. « Lorsque nous avons établi le cahier des charges il y a 3 ans, l’une des questions clé était de savoir si cette prise en charge n’allait pas faire exploser les dépenses au niveau de la sécurité sociale. La part fixe est de 10 euros. La part variable s’applique si nous démontrons que ce parcours coûte globalement moins cher que le parcours “normal” car des passages aux urgences sont évités. » La phase 1 a démontré que l’équilibre financier était presque atteint. Pour la CNAM, c’est déjà une très bonne nouvelle, car il suffirait d’une diminution d’1 ou 2 euros sur les 15 actuels pour atteindre l’équilibre souhaité. Des négociations sont en cours.