Et si on parlait de demain ?

La pharmacie de demain sera à la fois plus digitale, plus durable et plus médicale. Une pharmacie plus performante, écoresponsable et mettant l’accent sur le rôle de conseiller de santé du pharmacien. Depuis plusieurs années, cette transformation est en marche, sans jamais dissocier agencement des officines et évolution du métier. La prise de conscience, tardive, de la loi HPST par les pharmaciens s’est accélérée avec la crise sanitaire. Les nouvelles missions puis la vaccination contre la grippe et le Covid-19 ont nécessairement impacté l’aménagement et l’organisation de la pharmacie. L’espace de confidentialité clos est l’évolution qui illustre le mieux l’évolution physique des pharmacies, et en second lieu l’organisation qui a été repensée pour créer plus d’opportunités d’échanger avec les patients.

« Parce que la prévention est le cœur du réacteur de l’officine », comme se plaît à le dire Philippe Besset, président de la FSPF, l’architecture de la pharmacie de demain s’orientera davantage vers la création de salles de confidentialité confortables, apaisantes, colorées… Cet aménagement traduisant la relation que le pharmacien souhaite développer avec ses patients.

Depuis la pandémie, David Syr, directeur général adjoint de Gers Data, constate que la pharmacie devient le lieu de prise en charge de la santé au sens large du terme : « La crise sanitaire a ancré le pharmacien dans un rôle d’acteur de santé de proximité et l’officine sert de courroie d’absorption des demandes de soins de premier recours des patients, ce qui explique la bonne tenue du conseil officinal en 2022. » Le pharmacien, nouveau dépositaire de la santé des gens, a pris l’ascendant sur le médecin généraliste. « Le client/patient attend de l’espace de la pharmacie qu’il soit initiatique, qu’il permette la flânerie et le conseil », explique-t-il.

Comme le patient a besoin de voir que la pharmacie prend en charge la santé de toute la famille, les tendances de l’agencement s’orientent vers des espaces plus aérés (expliquant les travaux d’agrandissement ou les opérations de transfert vers des surfaces de 300 à 450 m², et plus), avec des linéaires moins denses et plus lisibles, des offres produits ciblées et qualitatives, répondant aux nouveaux besoins des patients/consommateurs. Ce n’est pas un hasard si six pharmaciens sur dix proposent aujourd’hui un espace de naturalité !

 

Back-office : le nouveau socle de la pharmacie

Le modèle organisationnel du back-office est également en pleine transition. « Il est devenu une brique technique sur laquelle l’entreprise officine doit s’appuyer », souligne Hélène Decourteix, fondatrice de la société La Pharmacie Digitale.

Sans même évoquer son automatisation, un back-office suffisamment spacieux et rationnel donne du liant et améliore chacun de ses éléments : la zone de réception et de stockage des produits de santé, l’espace destiné à traiter les tâches administratives, un espace de repos pour le personnel, etc. Alors que les nouvelles missions et le manque de personnel imposent une chasse au temps utile, un back-office, où les technologies modernes (connexion Wifi…) permettent de l’exporter un peu en front-office (tablette connectée à l’informatique, écrans, bornes interactives, consignes connectées…), est gage d’efficience et de qualité. Mais aussi de fidélisation du personnel. « Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, le confort et la qualité de vie au travail font partie de la marque employeur, c’est-à-dire ce que le pharmacien titulaire est en capacité d’apporter à ses salariés en plus des conditions salariales », souligne Kareen Mazeau Bobée, présidente de Cerp Rouen Formation. Pour Laëtitia Hible, présidente de Pharma Système Qualité, « le bien-être au travail fait baisser la charge mentale de notre travail ». La pharmacie servicielle peut également favoriser l’épanouissement de l’équipe et le sentiment d’appartenance si importants pour fidéliser ses collaborateurs. À propos des nouvelles missions, « vouloir faire tout, tout seul et tout de suite, c’est courir à l’échec, met-elle en garde. Il faut impliquer, responsabiliser et former ses collaborateurs, même ceux qui auront en charge de recruter les patients, établir une fiche projet pour chaque mission, faire évoluer les différentes fiches de poste… »

 

Robots et automates en mode « écolo »

Toutes les solutions d’automatisation du back-office proposées sur le marché présentent les mêmes fonctionnalités (rangement, délivrance), mais les performances peuvent varier de manière très importante. Les pharmaciens doivent donc comparer attentivement les offres avant de choisir une solution. Il en est donc de même pour la variable énergétique. Alors que les aspects énergétiques et climatiques sont devenus une préoccupation centrale, cette variable devient un argument de vente clé des fabricants d’automates et de robots. Eux aussi font leur transition écologique, en veillant en permanence à réduire davantage leur empreinte carbone, à améliorer l’écoconception de leurs solutions et la durabilité des pièces d’usure (grappins, tapis, bras…), en faisant appel à des composants recyclables (par exemple l’aluminium et le carton alvéolé pour la structure des machines, des panneaux de compost de bois ressoudé et recollé, des bandes de tapis roulants réalisées en polyuréthane recyclable…) et en concevant des systèmes les moins énergivores possible. Les limites en termes de baisse de consommation sont sans cesse repoussées grâce à l’ingéniosité des fabricants pour économiser les mouvements des robots, récupérer de l’énergie à la moindre occasion (sur le déplacement de la pince, sur la phase de freinage au moment de l’arrêt du bras du robot…). Aucun point d’amélioration n’est négligé, car ce sont autant d’éléments concurrentiels à faire valoir auprès de la demande.

Depuis 1999, Mekapharm a toujours conçu ses solutions en tenant compte de l’aspect énergétique pour ses clients utilisateurs. Cette société consacre 17 % de son chiffre d’affaires en recherche et développement. « Nous cherchons toujours à innover pour proposer des solutions aux performances toujours plus importantes, mais également pour utiliser les composants les moins énergivores », précise Olivier Résano, directeur commercial de Mekapharm. Dans le classement des systèmes, au regard de leur consommation énergétique, « la technologie des canaux à délivrance ultrarapide est conceptuellement la plus économique, explique-t-il. En effet, aucun mécanisme n’est nécessaire lors de la délivrance d’un produit, ce qui engendre une consommation électrique quasi nulle. Logiquement, toutes les technologies “robot” consomment beaucoup plus d’électricité de par les mouvements multiples nécessaires à leur fonctionnement. » Sauf qu’avec la technologie baptisée « Plus », soit « Optima Plus » pour son combiné robot/automate et « Omega Plus » pour son robot, ces deux solutions consomment moins qu’un PC. « Cette technologie très écolo a été conçue pour diminuer au maximum la consommation », explique-t-il. En effet, en plus d’être la technologie la plus silencieuse et la plus rapide du marché (5 m/s et accélération 5 m/s²), elle a l’énorme avantage de ne consommer que 200 Watts en fonctionnement. Pour comparaison, un PC standard consomme 360 Watts et les 200 Watts cités ne sont consommés que lors du déplacement du robot.

BD Rowa se livre aussi au jeu des comparaisons pour mettre en valeur ses robots « génération écolo ». « Nos robots ont une consommation inférieure à celle d’un lave-vaisselle, affirme Dalila Boukhalfa, Senior Marketing Specialist France chez BD Rowa. Auparavant, les moteurs de nos tapis fonctionnaient en 220 volts et maintenant en 48 volts. » Le réflexe local est ancré dès la fabrication et s’inscrit dans la démarche de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Par exemple, tous les robots de BD Rowa sont fabriqués sur le site de Kelberg (Allemagne) et 80 % de leurs fournisseurs sont implantés dans la région.

Dès la création de son nouveau robot en 2014, Meditech a pris en compte l’impact écologique de sa solution, autant d’un point de vue consommation d’utilisation que de son impact écologique de production. « Nous avons privilégié dès la création des moteurs économiques et fiables pour éviter le remplacement. En revanche, ceux-ci peuvent être plus onéreux que d’autres systèmes », glisse Morgan Charlet en charge du marketing France de Meditech.

Stéphane Nizard, dirigeant de Pharmax, revendique également pour ses automates et systèmes mixtes (robot/automate) la plus grande vitesse de délivrance et la consommation électrique la plus faible. « Notre tête de robot en carbone et aluminium est l’une des plus légères du marché, ce qui garantit une faible consommation », lâche-t-il.

 

Entre digitalisation et écoresponsabilité

Plus de digital (applis de commande, click & collect, caisses automatiques…) et plus de RSE, tous les projets de développement mettent l’accent sur ces deux enjeux. Avec des agencements faisant la part belle aux bacs antigaspi, au point Cyclamed bien visible dans la pharmacie, aux matériaux recyclables, à l’espace du personnel optimisé et confortable, et même aux bornes de recharge pour vélos électriques !

Quant à la transformation numérique de l’officine qui a trait à l’organisation (à ne pas confondre avec la digitalisation qui est la transposition des outils numériques sur le point de vente au service d’un projet pensé autour de l’expérience client), elle est rythmée par les développements prévus par le Ségur de la santé (carnet de santé numérique, e-prescription, e-carte vitale, interopérabilité des systèmes et des logiciels, messageries sécurisées…). « Cette brique santé va fluidifier les échanges entre professionnels de santé qui gravitent autour du patient dans un cadre éthique et sécurisé », précise Hélène Decourteix.

« Une troisième brique est celle de la e-pharmacie qui va permettre de maintenir le lien en dehors de la pharmacie et de soigner l’image qu’elle veut donner sur le Web », poursuit-elle, précisant que « plus de 70 % des plus de 16 ans sont sur les réseaux sociaux ». Mais la présence sur les réseaux sociaux n’est pas la plus grande priorité en raison des difficultés à y être vu et des limites sur le plan commercial imposées par le Code de déontologie, sauf si le site de la pharmacie fonctionne bien et si l’objectif est le développement de nouvelles activités.

 

RSE et agencement : une diversité d’actions

L’écoresponsabilité (démarche RSE) peut prendre différentes formes et se traduire par une diversité d’actions de développement durable au-delà de la réduction de consommation de papier, du tri des déchets, des achats écoresponsables, de l’utilisation des éclairages à LED, etc. La pharmacie peut aller plus loin en décidant d’une rénovation énergétique du bâtiment, en l’isolant thermiquement, à l’intérieur, en isolant des zones par des portes isolantes pour limiter le gaspillage énergétique, en changeant une armoire frigorifique trop énergivore, en utilisant des matériaux et meubles à basse émission de composés organiques volatils (COV) afin d’améliorer la qualité de l’air de l’officine…