Hypertrophie bénigne de la prostate : optimiser sa prise en charge à l’officine

L’HBP est une pathologie caractérisée par l’augmentation non maligne de la taille de la prostate. D’un point de vue histologique, cette augmentation de volume est principalement due à la prolifération des cellules épithéliales et stromales dans la zone transitionnelle de la prostate, qui entoure l’urètre. Cette croissance excessive tissulaire peut comprimer l’urètre et perturber l’écoulement normal de l’urine, conduisant à divers symptômes urinaires.

Les symptômes de l’HBP à ne pas ignorer

La détection précoce des symptômes de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) est fondamentale pour mettre en place un traitement adapté et éviter l’évolution vers des complications urinaires plus graves. L’évaluation médicale initiale vise souvent à identifier les symptômes rapportés par le patient, qui peuvent être classés en deux catégories principales : les symptômes de stockage (ou irritatifs) et les symptômes de vidange (ou obstructifs), reflétant les répercussions physiopathologiques de l’hypertrophie prostatique sur la fonction urinaire.

Décryptage des premiers signaux d’alerte

Symptômes obstructifs

Ces symptômes découlent de l’obstruction mécanique de l’urètre par l’augmentation du volume prostatique. L’hypertrophie de la prostate peut exercer une pression sur l’urètre, perturbant ainsi le flux urinaire normal. Cliniquement, cela se traduit par un jet urinaire faible et hésitant, nécessitant parfois un effort considérable pour uriner. Les patients peuvent aussi ressentir une sensation de « vidange incomplète de la vessie, accompagnée d’un débit urinaire intermittent qui peut s’interrompre et reprendre à plusieurs reprises au cours d’une même miction », indique le Dr Achraf Sahyoun, médecin urologue. Ces symptômes obstructifs augmentent le risque de rétention urinaire aiguë, requérant une prise en charge médicale immédiate.

Symptômes de stockage

En réaction à l’obstruction causée par la prostate, « la vessie peut subir des adaptations compensatoires affectant sa fonction », précise le Dr Sahyoun. Ces changements peuvent conduire à « une hypersensibilité vésicale et une hyperactivité du muscle détrusor, caractérisées par des symptômes irritatifs ». La miction urgente se caractérise par un besoin pressant et soudain d’uriner, difficile à retarder. Les patients peuvent également signaler une augmentation de la fréquence des mictions, y compris la nycturie qui interrompt le sommeil en nécessitant des visites fréquentes aux toilettes la nuit. Une perte involontaire d’urine à la suite d’une envie pressante d’uriner peut aussi se manifester.

HBP et âge : quelle relation ?

L’HBP manifeste une corrélation avec l’avancée en âge, le début de l’hypertrophie prostatique s’observant fréquemment chez les hommes quadragénaires. Cette tendance s’accentue avec l’âge, où plus de la moitié des hommes sexagénaires sont touchés, proportion qui grimpe à 90 % chez les hommes octogénaires. L’augmentation du volume prostatique au fil des ans est principalement due à des changements hormonaux, notamment à un déséquilibre caractérisé par une augmentation relative des niveaux d’œstrogènes par rapport à ceux de la testostérone. Parallèlement, la dihydrotestostérone (DHT), un dérivé actif de la testostérone, exerce une influence déterminante sur la croissance du tissu prostatique. « La DHT stimule la prolifération des cellules prostatiques, engendrant ainsi l’expansion de la glande », indique le Dr Sahyoun.

HBP et qualité de vie

L’HBP est une pathologie qui va bien au-delà de simples troubles urinaires, affectant de manière significative la qualité de vie des patients. Les répercussions de cette maladie touchent divers aspects du quotidien, allant des activités routinières à la santé mentale, en passant par les interactions sociales.

Quelles conséquences sur le quotidien ?

Sur le plan physique, les symptômes de l’HBP comme la nycturie (le besoin de se lever plusieurs fois pendant la nuit pour uriner), la miction urgente et la sensation de vidange incomplète peuvent perturber le sommeil et réduire l’énergie diurne. Ces troubles du sommeil chroniques sont associés à une diminution de la vigilance, à une irritabilité accrue et à un risque élevé de développer des troubles cognitifs légers. De plus, la fréquence accrue des mictions peut limiter la capacité des individus à participer à des activités sociales ou à voyager, contribuant ainsi à un sentiment d’isolement et à une détérioration de la qualité de vie.

Sur le plan de la santé mentale, l’impact psychologique de l’HBP est non négligeable. L’anxiété liée à la nécessité de trouver rapidement des toilettes peut devenir une source de stress constant. La diminution de la fonction sexuelle, un effet secondaire possible tant de la maladie que de certains traitements, peut également affecter l’estime de soi et contribuer à la survenue de symptômes dépressifs. La combinaison de ces facteurs peut mener à un cercle vicieux où l’HBP affecte non seulement la santé physique, mais également le bien-être psychologique, soulignant l’importance d’une prise en charge globale qui cible tous les aspects de la maladie.

Côté pharmaco’

D’un point de vue pharmacologique, la gestion des symptômes de l’HBP implique souvent l’utilisation de médicaments comme les alphabloquants, qui peuvent soulager l’obstruction urinaire, et les inhibiteurs de la 5-alpha-réductase, qui ciblent la cause sous-jacente de l’hypertrophie prostatique. Bien que ces traitements puissent améliorer significativement les symptômes, ils peuvent également être associés à des effets secondaires tels que l’hypotension, la fatigue et des troubles de l’éjaculation, pouvant à leur tour influer sur la qualité de vie.

Traitements et médicaments pour l’HBP

L’approche thérapeutique de l’HBP est centrée sur l’amélioration de la qualité de vie du patient en atténuant les symptômes, en prévenant la progression de la maladie et en réduisant le risque de complications. Voici un aperçu détaillé des options de traitement médical disponibles, basé sur les informations pharmacologiques et médicales actuelles.

Quels traitements médicaux pour l’HBP ?

  • Alpha-bloquants (Xatral©) : ils agissent en bloquant les récepteurs alpha-1, ce qui entraîne une relaxation du col vésical et des fibres musculaires lisses intraprostatiques, facilitant ainsi le passage de l’urine. Ils sont efficaces pour réduire les symptômes obstructifs de l’HBP, sans différence notable entre les différents agents de cette classe. Leur effet secondaire le plus commun est l’hypotension, bien que des troubles de l’éjaculation, y compris l’anéjaculation, puissent également survenir, notamment avec la tamsulosine et la silodosine.
  • Inhibiteurs de la 5-alpha- réductase (Chibro-proscar©) : ils ciblent le processus enzymatique de conversion de la testostérone en dihydrotestostérone (DHT), réduisant ainsi le volume prostatique. Ils sont particulièrement indiqués pour les symptômes modérés à sévères de l’HBP et diminue le risque de rétention aiguë d’urine et de chirurgie, surtout chez les patients avec un volume prostatique supérieur à 40 ml. Les effets secondaires comprennent des troubles de l’érection et de la libido. Des cas d’anxiété et de dépression ont été rapportés, ainsi qu’une incidence plus élevée de cancer de la prostate de haut grade dans certaines études, bien qu’aucune relation causale n’ait été clairement établie.
  •  Association fixe dutastéride/tamsulosine (Combodart©) : cette combinaison est approuvée pour le traitement symptomatique de l’HBP et la réduction du risque de rétention aiguë d’urine et de chirurgie chez ces patients. Cependant, son utilisation n’est recommandée qu’après une période d’au moins 6 mois de traitement bien toléré avec chacun des médicaments pris séparément, et son bénéfice est considéré comme faible.

Quels effets secondaires ?

La surveillance et la gestion des effets secondaires sont essentielles pour maintenir un bon équilibre entre l’efficacité du traitement et la qualité de vie du patient. En cas d’effets indésirables, une réévaluation du régime thérapeutique peut être nécessaire. Pour les troubles sexuels induits par les traitements, une discussion ouverte avec le patient concernant les avantages et les inconvénients du traitement, ainsi qu’une éventuelle modification ou un ajustement des médicaments peuvent être appropriés.

Et en phytothérapie ?

Des extraits de plantes comme le Serenoa repens (Permixon©) sont utilisés dans le traitement des symptômes légers de l’HBP. Bien que l’efficacité clinique de la phytothérapie soit débattue et souvent considérée comme similaire au placebo, certains patients peuvent éprouver une amélioration subjective de leurs symptômes sans les effets secondaires associés aux médicaments plus conventionnels.

Médicament en attente d’évaluation à long terme

Tadalafil : connu principalement comme un traitement de la dysfonction érectile, le tadalafil a également été approuvé pour les signes et symptômes de l’HBP. Son action repose sur l’inhibition de la phosphodiestérase de type 5 (PDE5), offrant ainsi un double bénéfice potentiel pour les patients souffrant à la fois de dysfonction érectile et de symptômes urinaires liés à l’HBP.

La sélection et l’ajustement des traitements pour l’HBP doivent toujours être personnalisés en fonction de la sévérité des symptômes du patient, de la présence de comorbidités et des préférences individuelles, en tenant compte des bénéfices attendus et des risques.

Quand suggérer une consultation médicale ?

La prise en charge de l’HBP nécessite souvent une approche multidisciplinaire, où le rôle du pharmacien est de reconnaître les symptômes significatifs et d’orienter les patients vers une consultation médicale spécialisée au moment approprié.

Orienter vers un urologue

La décision d’orienter un patient vers un urologue repose sur plusieurs critères, notamment la présence de symptômes tels que « la faiblesse du jet urinaire, une envie pressante d’uriner avec un délai avant le début de la miction ou un affaiblissement du jet en cours de miction », indique le Dr Sahyoun. En général, l’urologue « commencera par une échographie pour examiner la forme et la taille de la prostate, car cela peut influencer les symptômes. Un bilan sanguin, y compris le PSA (antigène prostatique spécifique), sera effectué pour évaluer la fonction rénale et la présence éventuelle de cancer. Le patient peut également s’attendre à une évaluation de la vessie, y compris sa capacité à se vider complètement », complète le médecin urologue.

Quels compléments alimentaires ?

Les compléments alimentaires pour l’HBP, bien que populaires pour leur origine naturelle, nécessitent une évaluation rigoureuse de leur efficacité et de leur mécanisme d’action :

  • Palmier nain ou de Floride (Serenoa repens) : L’extrait de Serenoa repens agit principalement en inhibant l’enzyme 5-alpha-réductase, responsable de la conversion de la testostérone en dihydrotestostérone (DHT), un androgène qui contribue à la croissance prostatique. En réduisant les niveaux de DHT, Serenoa repens peut potentiellement limiter l’hypertrophie de la prostate. De plus, cet extrait exerce un effet anti-inflammatoire et antiandrogène, contribuant ainsi à réduire les symptômes urinaires. Exemple : Prostamol®, sous forme de capsules, contenant chacune 320 mg d’extrait de Serenoa repens ; posologie conseillée : une capsule par jour après un repas.
  • Huile de pépins de courge (Cucurbita pepo) : L’huile de pépins de courge est riche en acides gras essentiels et en phytostérols, qui peuvent avoir un effet anti-inflammatoire sur la prostate. Bien que le mécanisme précis reste à approfondir, il est suggéré que l’huile pourrait contribuer à réduire les symptômes de l’HBP en diminuant l’inflammation au niveau de la prostate et en modulant les voies hormonales. Exemple : Arkogélules® Huile de pépins de courge, sous forme de gélules contenant chacune 500 mg d’huile de pépins de courge ; posologie recommandée : trois gélules par jour en une seule prise lors d’un repas.
  • Extrait de racine d’ortie (Urtica dioica) : La racine d’ortie contient des principes actifs qui semblent interférer avec la liaison de la DHT aux récepteurs prostatiques, réduisant ainsi les effets stimulants de cette hormone sur la croissance de la prostate. L’extrait d’ortie peut également inhiber d’autres enzymes impliquées dans le métabolisme des hormones et possède des propriétés anti-inflammatoires, contribuant à soulager les symptômes urinaires. Exemple : Phytostandard® Ortie racine : sous forme de gélules, possédant 230 mg d’extrait de racine d’ortie pour deux gélules ; posologie conseillée : une à deux gélules par jour.

Combinaison d’actifs ?

Le complément alimentaire ERGYPROSTA® combine plusieurs extraits de plantes aux propriétés pharmacologiques distinctes. Le Serenoa repens et l’ortie dioïque agissent sur les voies hormonales et anti-inflammatoires, tandis que l’épilobe à petites fleurs (Epilobium parviflorum) pourrait offrir des bienfaits grâce à ses composés phénoliques aux propriétés antioxydantes. Le lycopène, un caroténoïde présent principalement dans les tomates, a démontré des effets protecteurs sur la santé prostatique en neutralisant les radicaux libres. Le safran stimule la libido sans effet direct sur l’HBP, et les vitamines C et E, ainsi que le zinc, jouent un rôle crucial dans la protection cellulaire contre le stress oxydatif.

Comment répondre aux idées reçues ?

  • « L’HBP est un signe de cancer de la prostate. » : Bien que l’HBP et le cancer de la prostate affectent la même glande, ils sont distincts. L’HBP est une croissance bénigne de la prostate et ne se transforme pas en cancer.
  • « Seuls les hommes âgés sont affectés par l’HBP. » : Si l’incidence de l’HBP augmente avec l’âge, les symptômes peuvent commencer à se manifester dès la quarantaine. Encourager les hommes à être attentifs aux premiers signes peut conduire à une prise en charge précoce et efficace.
  • « Les symptômes légers ne nécessitent pas de traitement. » : Même les symptômes légers peuvent impacter la qualité de vie et s’aggraver avec le temps. Une évaluation précoce et un suivi permettent de gérer efficacement l’HBP et de prévenir les complications.
  • « Les médicaments pour l’HBP causent systématiquement des effets secondaires. » : Bien que certains traitements de l’HBP puissent avoir des effets secondaires, ceux-ci varient grandement d’une personne à l’autre et ne sont pas systématiques. De nombreux hommes traités pour l’HBP ne ressentent que des effets secondaires mineurs, si tant est qu’ils en ressentent.
  • « Une fois que vous commencez le traitement de l’HBP, c’est à vie ! » : Le plan de traitement de l’HBP est personnalisé et peut évoluer au fil du temps. Dans certains cas, après une évaluation médicale, il peut être possible de réduire la dose ou d’arrêter le traitement, surtout si les changements de mode de vie ont amélioré les symptômes.