Analyse d’ordonnance : les antidouleurs à la loupe

Physiopathologie de la douleur

La douleur aiguë peut être liée à des mécanismes nociceptifs, neurogènes ou psychogènes. La douleur nociceptive, souvent associée à une lésion tissulaire aiguë (ex. appendicite), est un signal d’alarme physiologique. La douleur neurogène découle d’une altération du système nerveux périphérique ou central, avec des manifestations comme des brûlures ou des élancements. Enfin, la douleur psychogène, bien que rare en aigu, est liée à des facteurs psychologiques. Il est essentiel d’évaluer la douleur avec précision pour choisir une approche thérapeutique ciblée et prévenir sa chronicisation.

Ordonnance

M. Adrien H., 44 ans, 1,78 m, 74 kg

Prescripteur : généraliste

  1. Doliprane 1 g 1 cp, 3 fois / j pendant 7 jours
  2. Ixprim :  1 comprimé toutes les 6 heures si douleur intense, sans dépasser 4 comprimés par jour, 1 boîte
  3. Acupan® ampoule : 1 ampoule à casser sur un sucre, en cas de forte douleur, maximum 3 amp. / joiur, 1 boîte.

Analyse de cas

Doliprane®

Le paracétamol est un antalgique et antipyrétique central. Il inhibe principalement la cyclo-oxygénase 3 (COX-3) dans le SNC, réduisant ainsi la synthèse des prostaglandines, médiateurs de la douleur et de la fièvre. Son efficacité maximale est atteinte en 30 à 60 minutes, avec une durée d’action de 4 à 6 heures. Il est principalement métabolisé dans le foie via la glucuronoconjugaison et la sulfoconjugaison. Une petite fraction est transformée en N-acétyl-p-benzoquinone imine (NAPQI), un métabolite hépatotoxique, rapidement neutralisé par le glutathion.

Ixprim®

L’association paracétamol/tramadol combine les effets centraux du paracétamol avec ceux du tramadol, un opioïde faible. Le tramadol agit sur les récepteurs μ-opioïdes, inhibe la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, renforçant l’effet antalgique. Cette double action potentialise l’analgésie, efficace pour les douleurs modérées à sévères non soulagées par le paracétamol seul. Le tramadol subit une biotransformation hépatique via le cytochrome CYP2D6 en O-déméthyltramadol, un métabolite actif avec une affinité 200 fois supérieure pour les récepteurs opioïdes. Les interactions médicamenteuses concernent surtout les inhibiteurs du CYP2D6 (fluoxétine, paroxétine) et les médicaments sérotoninergiques (IRS, triptans), augmentant le risque de syndrome sérotoninergique. Cependant, son action monoaminergique peut altérer le métabolisme du glucose, augmentant le risque d’hypoglycémie, notamment chez les patients diabétiques.

Acupan®

Le néfopam est un antalgique non opioïde. Son mécanisme d’action implique l’inhibition de la recapture des monoamines (dopamine, sérotonine, etc.) et une action directe sur les canaux sodiques et calciques. Contrairement aux opioïdes, le néfopam n’entraîne pas de dépression respiratoire ni de dépendance. lI est moins bien absorbé par voie orale, avec une biodisponibilité réduite lorsqu’il est administré sur un sucre. Son métabolisme est principalement hépatique, via le CYP2C9, et il est éliminé par voie rénale. L’administration orale peut entraîner une variabilité plus importante de l’effet antalgique.

Interactions médicamenteuses potentielles

  • Paracétamol : attention aux associations avec les inducteurs enzymatiques (carbamazépine, rifampicine), augmentant le risque de toxicité hépatique.
  • Tramadol : interactions avec les inhibiteurs du CYP2D6, augmentant le risque d’effets indésirables (nausées, vertiges) et de syndrome sérotoninergique avec les IRS.
  • Néfopam : prudence avec les médicaments sérotoninergiques et les anticoagulants, ainsi qu’avec les antihypertenseurs, pouvant majorer un effet hypotenseur.

Attention : l’Acupan® en ampoule, utilisé per os, est hors-AMM, car il n’est pris en charge que pour les administrations par voie injectable.

À dire lors de la délivrance

Pour le paracétamol, il est essentiel de rappeler de ne pas dépasser 4 g par jour (1 g toutes les 6 heures). Un surdosage peut entraîner une toxicité hépatique sévère, notamment en cas d’alcoolisme chronique. En ce qui concerne le tramadol, il est important de prévenir les patients des effets secondaires fréquents, comme la somnolence et le risque de vertiges. Le tramadol peut également altérer la vigilance, surtout en début de traitement ou lors de l’augmentation des doses, ce qui rend dangereux la conduite ou l’utilisation de machines. Enfin, l’utilisation de l’huile essentielle de gaulthérie peut être un excellent complément en cas de douleurs musculaires ou articulaires. Veillez à toujours diluer l’huile dans une huile végétale avant une application cutanée pour éviter toute irritation, et ne pas utiliser cette huile chez les patients présentant une allergie aux salicylés.

Optimisation des stratégies antalgiques

Le traitement des douleurs est classé par l’OMS en trois paliers progressifs, selon l’intensité et la nature de la douleur. Le palier 1 regroupe les antalgiques non opioïdes, tels que le paracétamol et les AINS, recommandés pour les douleurs légères à modérées. En cas d’inefficacité ou de douleurs plus intenses, on passe au palier 2, qui inclut les opioïdes faibles comme la codéine et le tramadol, utilisés pour les douleurs modérées à sévères. Enfin, le palier 3 concerne les opioïdes forts, tels que la morphine, réservés aux douleurs sévères et réfractaires aux autres traitements. Par exemple, le paracétamol est adapté à la prise en charge des douleurs post-opératoires légères à modérées. Cependant, prescrire du tramadol pour des céphalées légères serait inapproprié, car il s’agit d’un opioïde avec un risque significatif de dépendance et d’effets indésirables tels que la sédation ou les nausées. De plus, des médicaments comme Prontalgine®, qui associent paracétamol et codéine, ne sont pas remboursés pour les douleurs modérées, car la codéine présente un profil d’effets secondaires (dépendance, sédation) disproportionné pour ce type de douleur.