Situation économique précaire pour les petites
Amphis de l’officine
Lors de la première édition des Amphis de l’officine en juin dernier, la FSPF, après un bilan de la situation économique en 2018, s’est penché sur les perspectives 2019 de mutation du modèle économique de la pharmacie de proximité.
Le chiffre d’affaires moyen TTC d’une officine est de 1,71 M€, avec une marge brute HT de 371 000€, en baisse de 0,8% par rapport à l’année précédente, selon les chiffres IQVIA présentés par son directeur France, Vincent Bildstein. Le panier moyen a augmenté de 1,7% à 32,4€ mais la fréquentation s’étiole (-0,3%). Le marché officinal pèse 36,4 Mds€ (+1,2%) constitué à 77% des produits avec AMM et 23% sans AMM. Les produits d’automédication représentent 2,2Mds€ (-5%).
L’officine au milieu du gué
« La pharmacie française va bien et mal, explique Vincent Bildstein. Côté positif le rôle de professionnel de santé du pharmacien se renforce, le mode de rémunération évolue avec l’arrivée des honoraires, le dossier pharmaceutique est un succès et le DMP s’implante. En revanche, le chiffre d’affaires stagne ou diminue depuis 2012 (les raisons : baisse des prix des médicaments remboursés, diminution des marchés de l’automédication, de la parapharmacie…), les nouvelles missions sont peu rémunératrices et difficiles à organiser dans les petites officines, la profession essuie des critiques des associations de consommateurs, voire des autorités et une concurrence nouvelle apparait avec les méga-pharmacies ». « La conjoncture est chaque année différente mais deux constantes demeurent : la recherche d’économies pour faire face à l’évolution naturelle des dépenses de santé et la diminution des prix des médicaments qui constitue l’un des principaux moyens d’y parvenir. Depuis 2005, la part des dépenses des médicaments dans l’ONDAM est passée de 14 % à 11 %, celle des officines de pharmacie a diminué en parallèle de plus de 20 %. La conséquence a été la fermeture de plus de 1 000 pharmacies dans cette même période, 230 rien que l’an dernier. Et chaque officine qui disparaît conduit à une dégradation des soins de proximité, rappelle Philippe Besset, président de la FSPF. Malgré une évolution de + 1,1 % de la rémunération totale de l’officine (marge + honoraires + ROSP + remises génériques + CICE) en 2018 par rapport à 2017, le niveau de la rémunération reste inférieur à celui de 2016, année de référence inscrite dans l’avenant n° 11. Plus précisément, la rémunération globale du réseau recule de 1,5 % entre 2016 et 2018. Il est d’ores et déjà certain qu’en 2021, la clause de sauvegarde devra être mise en œuvre. On ne peut que le déplorer, notamment pour les officines les plus fragiles dans les territoires ruraux et quartiers difficiles. » En effet, selon les données IQVIA, le nombre des « petites » officines, de 907 000€ de CA en moyenne diminue de 3% même si elles représentent toujours 42% des pharmacies. Les pharmacies de taille moyenne (1,6M€ de CA) constituent 30% du total (+1,7%), les grandes s’accroissent de 2,7% (CA : 2,3M, 17%) tout comme les très grandes (+2,6%, CA : 3,5M€, 12% des officines).
L’EBE se tasse
Une légère augmentation des chiffres d’affaires officinaux en 2018 (sauf pour les officines de moins d’un million de CA) n’est due qu’à l’accroissement du nombre de médicaments chers, selon l’analyse du bilan de près de 330 officines réalisée par le cabinet d’experts-comptables CGP. « La taille est un élément déterminant dans l’analyse de la rentabilité, souligne Joël Lecoeur, président de CGP. Et si CA et marge augmentent légèrement, l’EBE se tasse (-0,84%) en raison de l’accroissement des charges externes (+3%) et des frais de personnel (+2,9%) ». C’est également un élément à prendre en compte dans la mise en place des nouvelles missions. « Il ne faudra pas rater le virage des entretiens pour les patients sous chimiothérapie orale, s’inquiète Paule Kujas pharmacien de la CNAM. Or les petites officines ne comptent en général qu’un seul pharmacien, la formation est parfois difficile, et l’espace de confidentialité n’est pas toujours présent ».
Les perspectives d’évolution s’appuient sur les futures missions, évaluées dans des expérimentations en cours, comme dans le Grand Est. « Des opérations telles que le dépistage du diabète de type 2 en officine, le suivi de patients sous chimiothérapie orale, l’intervention dans les Ehpad, sont rémunérés pour les pharmaciens » décritWilfrid Strauss, directeur soins de proximité de l’Agence régionale de santé Grand-Est « L’ARS Grand-Est parie sur le pharmacien ! ». La PDA ambulatoire, mise en œuvre par moins de 3% des pharmaciens pourrait également entrer dans le champ des services de santé publique rémunérés, dans le cadre d’une coordination avec médecins et infirmières.