Entretiens courts sur les opioïdes : c'est parti !

Depuis le 8 janvier 2025, une nouvelle mission d’accompagnement est proposée par les pharmaciens aux patients sous antalgiques opioïdes de palier II. Ce dispositif vise à prévenir les risques de mésusage et de dépendance à travers un entretien court et structuré. Décryptage des enjeux et des modalités pratiques.

Par Thomas Kassab, publié le 09 janvier 2025

Entretiens courts sur les opioïdes : c’est parti !

 

Sécuriser l’usage des opioïdes dès le premier renouvellement

L’entretien court concerne les adultes sous traitement par tramadol, codéine, poudre d’opium ou dihydrocodéine, dès le premier renouvellement de leur ordonnance. Limité à un entretien par patient sur une période de 12 mois, il vise à :

  • Informer sur les risques liés aux opioïdes, notamment le mésusage et la dépendance.
  • Évaluer le risque de mésusage à l’aide du questionnaire POMI (Prescription Opioid Misuse Index).
  • Alerter le prescripteur via la messagerie sécurisée de santé (MSS) en cas de suspicion de mésusage ou de dépendance.

Cet échange permet au pharmacien d’intervenir dans une logique de prévention tout en renforçant son rôle dans le parcours de soin.

Comment procéder ?

L’entretien se déroule dans un espace de confidentialité, garantissant un cadre propice à un dialogue ouvert avec le patient. Pour appuyer cet échange, deux outils sont mis à disposition sur le site Ameli :

  1. Un mémo à l’usage du pharmacien, contenant des rappels sur les règles de bon usage des opioïdes et les points à aborder.
  2. Une fiche de suivi, à compléter lors de l’entretien. Elle consigne les observations du pharmacien, les éventuelles actions entreprises et les informations transmises au patient. Cette fiche doit être conservée dans le dossier médical partagé (DMP) et tenue à disposition du service du contrôle médical de l’Assurance Maladie.

Comment facturer ?

La réalisation de cet entretien est valorisée à hauteur de 5 € TTC. Voici les étapes et spécificités liées à la facturation de ce service :

  • Facturation au comptoir avec la carte Vitale, en utilisant le code acte « EPA ».
  • Conditions spécifiques de facturation :
    • Le numéro d’identification du pharmacien doit figurer à la fois dans les zones « prescripteur » et « exécutant ».
    • La date de l’entretien doit être renseignée comme date d’exécution.
    • Le code acte « EPA » doit être facturé indépendamment de toute autre facturation (médicaments, dispositifs médicaux LPP, etc.).

Dans les départements et collectivités d’Outre-mer, ce tarif est majoré d’un coefficient de 1,05. L’Assurance Maladie prend en charge 70 % du montant, le reste pouvant être couvert par une complémentaire santé. Si le patient bénéficie d’une prise en charge à 100 %, la facturation doit en tenir compte.

Formation et montée en compétences

Bien qu’aucune formation obligatoire ne soit requise pour réaliser cet entretien, il est recommandé que les pharmaciens mettent à jour leurs connaissances sur les opioïdes et leurs usages. Les référentiels de l’ANSM et de la HAS, ainsi que les outils pédagogiques en ligne, offrent des bases solides pour assurer une prise en charge de qualité.

Un contexte qui justifie la vigilance

L’usage des opioïdes en France, bien que moins problématique qu’aux États-Unis, montre des signes d’augmentation. Les risques de dépendance, même pour des patients sans antécédents, rendent indispensable une vigilance accrue de tous les professionnels de santé. La mise en œuvre de cet entretien s’inscrit dans une stratégie globale de prévention et de réduction des risques, appuyée par des mesures récentes, comme le passage des spécialités à base de codéine et de tramadol sur ordonnance sécurisée à partir de décembre 2024.

Un accompagnement clé pour le patient

Ce nouvel entretien court positionne le pharmacien comme un acteur central dans la prévention des mésusages. En renforçant le lien avec le patient et le prescripteur, il participe activement à sécuriser les traitements tout en valorisant l’expertise pharmaceutique. Au-delà de la démarche administrative, cette mission illustre l’importance de l’officine dans le parcours de soin et la lutte contre les addictions.