Tout sur le vaccin mRESVIA : entretien avec Arnaud Chéret, Directeur Médical de Moderna France

Fruit de la technologie ARNm, le vaccin mRESVIA de Moderna promet de transformer la lutte contre les infections graves liées au virus respiratoire syncytial (VRS). Dans une interview exclusive, Arnaud Chéret, directeur médical chez Moderna, explique son mécanisme d’action, ses avantages pour les patients à risque et ses perspectives d’intégration dans le calendrier vaccinal.

Par Thomas Kassab, publié le 16 janvier 2025

Tout sur le vaccin mRESVIA : entretien avec Arnaud Chéret, Directeur Médical de Moderna France

Comment fonctionne le vaccin mRESVIA ?

Le vaccin mRESVIA, développé par Moderna, repose sur la technologie de l’ARN messager (ARNm). Ce mécanisme d’action innovant diffère des vaccins traditionnels, qui classiquement utilisent des virus inactivés, atténués ou des protéines recombinantes pour induire une réponse immunitaire. L’ARNm contenu dans le vaccin délivre des instructions aux cellules de l’organisme pour produire une copie temporaire de la protéine F en conformation pré-fusion, une protéine clé du virus respiratoire syncytial (VRS). Cette protéine joue un rôle essentiel dans l’infection naturelle, car elle permet au virus de fusionner avec les cellules cibles de l’hôte, facilitant ainsi sa pénétration.

Comment le vaccin cible-t-il le virus ?

En ciblant spécifiquement la protéine F dans sa conformation pré-fusion, le vaccin génère une réponse immunitaire ciblée. Cette conformation est connue pour être la plus immunogène, c’est-à-dire celle qui stimule le plus efficacement la production d’anticorps neutralisants capables de prévenir l’infection. Ce choix scientifique repose sur des avancées technologiques majeures en virologie  qui ont permis d’identifier cette conformation de la protéine F comme optimale pour une efficacité vaccinale accrue.

Qu’est-ce qui distingue mRESVIA des autres vaccins disponibles ?

Ce vaccin se distingue par une approche particulièrement précise, l’ARNm étant conçu pour coder uniquement la production de la protéine F pré-fusion. Cela permet de reproduire fidèlement la présentation naturelle des antigènes au système immunitaire, imitant le processus infectieux. Il s’appuie également sur une prouesse technologique, renforcée par l’expertise de Moderna dans le développement de vaccins ARNm, déjà démontrée contre la COVID-19. Enfin, sa simplicité d’administration, grâce à un format en seringue préremplie, devrait favoriser une meilleure couverture vaccinale, chez les populations cibles comme les personnes âgées.

Qu’en est-il de son intégration dans la stratégie vaccinale ?

Chez les sujets âgés, le VRS peut causer des infections respiratoires sévères, souvent associées à des complications telles que des hospitalisations ou des exacerbations de maladies chroniques. L’introduction de mRESVIA dans la stratégie vaccinale aux côtés des autres vaccins pour cette population s’inscrit dans une volonté de  favoriser la lutte contre le VRS, en misant sur des solutions à la fois innovantes et pratiques.

Quelle est l’efficacité de mRESVIA et quels sont ses bénéfices dans la population à risque ?

Le vaccin mRESVIA de Moderna a été évalué dans le cadre d’un essai clinique de phase 2/3 impliquant environ 35 000 participants répartis dans plus de 22 pays. Une dose unique de ce vaccin a permis de démontrer une efficacité vaccinale supérieure à 80 % dans la prévention des maladies des voies respiratoires inférieures liées au VRS avecun suivi médian de 3,7 mois. les données révèlent une réponse immunitaire durable, qui se maintient jusqu’à 24 mois, selon les analyses prolongées, avec une médiane de suivi proche de 19 mois.

Les analyses montrent une réponse homogène avec mRESVIA, indépendamment des facteurs de risque tels que l’âge ou les comorbidités. Toutefois, le bénéfice individuel des vaccins contre le VRS est particulièrement important pour les populations vulnérables, comme les personnes âgées ou présentant des pathologies chroniques. Ces groupes sont les plus exposés aux complications graves, hospitalisations et décès liés au VRS.

Peut-on comparer mRESVIA aux autres vaccins?

Il est difficile de comparer directement l’efficacité de mRESVIA aux autres vaccins en raison de l’absence d’études comparatives directes. Les essais cliniques des vaccins se distinguent par plusieurs aspects, notamment les populations étudiées, avec des variations liées à l’âge, à l’état de santé et aux comorbidités des participants. Ils diffèrent également sur le plan géographique, les essais ayant été conduits dans des régions variées, et sur le plan temporel, les périodes de recrutement n’étant pas identiques, ce qui reflète des conditions épidémiologiques distinctes. Ces divergences méthodologiques rendent toute comparaison précise des performances relatives impossible.

Quid de la durabilité de la réponse ? Faut-il un rappel vaccinal ?

Nous avons observé dans notre essai clinique une persistance de sa réponse clinique qui semble maintenue jusqu’à 24 mois,. Cependant, la question d’une dose de rappel reste ouverte. La Haute Autorité de Santé (HAS) n’a pas encore tranché sur la pertinence d’une revaccination. Moderna a déjà présenté des données exploratoires concernant cette possibilité, mais une décision finale repose sur de nouvelles analyses et recommandations officielles.

Sur quels critères d’efficacité et de sécurité la HAS a-t-elle basé son avis positif pour mRESVIA, notamment pour les patients âgés de 65 ans et plus avec des comorbidités respiratoires et cardiaques ?

La HAS a basé son avis favorable pour mRESVIA sur plusieurs critères : une efficacité démontrée contre les maladies des voies respiratoires inférieures liées au VRS, confirmée par des données cliniques et d’immunogénicité, ainsi qu’un profil de tolérance jugé acceptable. Le vaccin protège efficacement les patients de 65 ans et plus, y compris ceux atteints de BPCO ou d’insuffisance cardiaque, avec un bénéfice attendu de réduction du risque d’exacerbations et de complications graves.

Les essais de phase 3 n’ont révélé aucun signal de sécurité majeur. Les effets secondaires les plus fréquents incluent une douleur au point d’injection, fatigue, céphalées et myalgies. Grâce à sa technologie ARNm utilisant des nanoparticules lipidiques, mRESVIA offre une réponse immunitaire ciblée et maintenue, adaptée aux populations vulnérables.

Au-delà des seniors, envisagez-vous d’élargir la recommandation de mRESVIA dans le but d’augmenter la couverture vaccinale ?

La fragilité face au VRS ne concerne pas uniquement l’âge, mais aussi les comorbidités. Moderna a déjà initié des études montrant une réponse immunogène chez les adultes de moins de 60 ans présentant des comorbidités. Ces données, une fois validées, pourraient permettre d’élargir l’indication du vaccin à cette population. L’objectif est de soumettre ces résultats pour évaluation par la HAS.

Concernant les professionnels de santé, le VRS est reconnu comme un facteur d’infection nosocomiale, au même titre que la grippe ou la COVID-19. Moderna souhaite donc répondre à ce besoin médical, avec des solutions pratiques et des données solides pour contrer la désinformation. Ce vaccin reste centré sur la prévention des maladies des voies respiratoires inferieures.

Comment les professionnels de santé et les vaccinateurs peuvent-ils accompagner la lutte contre la désinformation sur mRESVIA ?

Les professionnels de santé jouent un rôle central dans l’éducation et la sensibilisation des patients, en leur expliquant l’importance de la vaccination contre le VRS. Avec l’inscription prévue de mRESVIA dans le calendrier vaccinal, ils seront en première ligne pour souligner le fardeau du VRS, qui cause chaque année 15 000 à 20 000 hospitalisations chez les personnes âgées. Ce virus est parfois encore plus sévère que la grippe, avec des séquelles possibles et des bouleversements dans la vie quotidienne des patients. Vacciner, c’est protéger, et cela s’inscrit dans une stratégie de prévention essentielle pour favoriser le « bien vieillir ». Santé Publique France développe également des outils épidémiologiques pour appuyer cette mission éducative.

En l’absence de prise en charge par l’Assurance maladie, le coût de mRESVIA pourrait-il constituer un frein pour les patients âgés à risque ? Quelles solutions envisagez-vous ?

L’avis récent de la Commission de Transparence a attribué un SMR (Service Médical Rendu) modéré à mRESVIA ainsi qu’une ASMR de niveau V, ce qui pourrait présager une future prise en charge par l’Assurance maladie. Cependant, cet avis ne reflète pas entièrement l’innovation apportée par ce vaccin, ni l’urgence de répondre au besoin médical des populations âgées à risque, en particulier celles souffrant de comorbidités. Avec 21,5 % de la population française âgée de plus de 65 ans, garantir l’accès à ce vaccin est une priorité. En plus d’un effet attendu sur les hospitalisations, mRESVIA pourrait jouer un rôle clé dans la prévention des complications graves liées au VRS, contribuant à désengorger le système de santé. L’Académie de Médecine s’est d’ailleurs prononcée en faveur de la vaccination pour cette population.

Quels sont les projets et innovations à venir de Moderna ?

Moderna développe plusieurs innovations vaccinales reposant sur la technologie ARNm, dont un vaccin combiné grippe et COVID-19 qui ambitionne de d’encourager la vaccination en proposant une seule injection. ce vaccin repose exclusivement sur des nanoparticules d’ARNm. Côté COVID-19, il cible une région spécifique de la protéine S, jugée la plus pertinente pour la réponse immunitaire. Cette approche permet de raccourcir le brin d’ARNm, facilitant son intégration dans un vaccin combiné. Pour la grippe, les séquences d’ARNm sont conçues pour cibler les hémagglutinines spécifiques des virus influenza. Ce candidat vaccin innovant, en phase 3 d’essais cliniques, vise à optimiser l’efficacité tout en simplifiant les campagnes de vaccination. Les données préliminaires sont positives, et des discussions avec les autorités réglementaires sont déjà en cours.

Moderna développe également un vaccin contre le cytomégalovirus (CMV), ciblant les femmes en âge de procréer afin de prévenir cette infection fréquente, parfois asymptomatique, mais pouvant causer des complications graves, notamment chez le fœtus en cas de transmission congénitale. Ce projet, encore en développement, s’inscrit dans une stratégie de prévention des maladies à ce jour négligées par les approches vaccinales classiques. Par ailleurs, un vaccin contre le norovirus, principal responsable de gastro-entérites sévères, progresse en phase 3. Ce virus, qui provoque chaque année des épidémies importantes, notamment dans les collectivités, représente un défi en raison de ses nombreux variants. En intégrant des cibles spécifiques au sein de sa plateforme ARNm, Moderna illustre la polyvalence de cette technologie, capable de répondre à des besoins médicaux encore insuffisamment couverts, tout en cherchant à simplifier et optimiser les protocoles de vaccination.

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