Les pilules contraceptives : nouveaux défis, nouvelles solutions
La contraception reste un domaine complexe et en constante évolution, adaptant ses méthodes aux diverses phases de la vie d'une femme ainsi qu'à ses besoins spécifiques. Face à un éventail toujours plus large de choix - du stérilet aux pilules, en passant par les implants -, les patientes se retrouvent souvent confrontées à des idées reçues et à des incertitudes quant à la meilleure option à adopter. L'âge, les conditions de santé particulières et les projets de vie influencent grandement le choix contraceptif, nécessitant une adaptation personnalisée de la méthode utilisée. Dans ce contexte, le pharmacien officinal devient un pilier essentiel dans l'orientation et le conseil aux patientes. Ce Grand Angle, élaboré avec l'expertise du Dr Dalila EL BAHJA, gynécologue obstétricienne à Saint-Avold, explore les nuances de la contraception moderne et souligne l'importance de l'accompagnement dans ce parcours essentiel à la santé des femmes.
Œstrogène et progestérone : quelles différences ?
Les œstrogènes et la progestérone jouent des rôles essentiels mais distincts dans le système reproducteur féminin. Les œstrogènes régulent la reproduction en modulant la consistance de la glaire cervicale, rendant le passage des spermatozoïdes plus facile pendant la phase folliculaire et l’empêchant après l’ovulation. Ils favorisent également la croissance des canaux galactophores dans les seins, renforcent la santé osseuse en augmentant la production d’ostéoblastes et en réduisant celle des ostéoclastes, et améliorent le profil lipidique en promouvant le HDL-cholestérol. De plus, les œstrogènes exercent un rôle trophique sur divers tissus, pouvant influencer les cellules précancéreuses dans les seins et l’utérus, où ils peuvent être ciblés par des antihormones dans les traitements du cancer pour limiter la prolifération cellulaire.
La progestérone, souvent désignée comme l’hormone de la gestation, prépare l’utérus à la grossesse en relaxant le muscle utérin et en développant un endomètre réceptif. Elle contribue également au développement mammaire par la stimulation de la croissance des tissus glandulaires et facilite la capacitation des spermatozoïdes, nécessaire pour la fécondation. Au niveau neurologique, la progestérone influence le système nerveux central via les récepteurs GABA, produisant des effets anxiolytiques et affectant le cycle de sommeil/éveil. Son rôle dans la régulation hormonale est vital pour maintenir un environnement propice à la gestation et peut également affecter l’humeur et le comportement.
Comment fonctionnent les pilules ?
Les pilules contraceptives agissent en modulant le cycle hormonal, influençant les ovaires, l’hypophyse et l’hypothalamus. Ces organes sécrètent des hormones essentielles, comme les œstrogènes et la progestérone par les ovaires, ainsi que la FSH et la LH par l’hypophyse, orchestrées par la GnRH de l’hypothalamus. La GnRH lance la libération de FSH et de LH, qui régulent à leur tour la production d’œstrogènes et de progestérone, cruciaux pour l’ovulation et les modifications utérines nécessaires pour l’implantation. En l’absence de fécondation, ces fluctuations hormonales entraînent les menstruations.
Les pilules hormonales, composées principalement d’éthinylestradiol et de divers progestatifs, interfèrent avec ce cycle. L’éthinylestradiol, en mimant les œstrogènes, inhibe la production de FSH, bloquant ainsi la maturation folliculaire et l’ovulation. Il modifie également la réponse de l’hypophyse à la GnRH, diminuant la libération de LH et de FSH, et évitant ainsi le pic de LH qui déclenche l’ovulation.
Par ailleurs, les progestatifs renforcent cette inhibition, exercent une action antiproliférative sur l’endomètre pour empêcher l’implantation d’un ovule potentiellement fécondé, et augmentent la viscosité du mucus cervical, ce qui limite la progression des spermatozoïdes. Les effets simultanés des œstrogènes synthétiques et des progestatifs maintiennent l’axe hypothalamo-hypophysaire au repos, simulant un état de pseudo-grossesse qui prévient l’initiation d’un nouveau cycle ovulatoire.
Pilules : une histoire de génération
En France, les pilules contraceptives sont habituellement classées par générations selon le type de progestatif qu’elles contiennent :
Première génération
Il n’existe plus de pilules de cette génération commercialisées en France, caractérisées historiquement par des progestatifs tels que la noréthistérone associée à des doses élevées d’éthinylestradiol. Cette classe présentait un risque accru de thrombose et d’autres effets secondaires cardiovasculaires.
Deuxième génération
Les pilules telles que Minidril, Adepal et Leeloo contiennent du lévonorgestrel, un progestatif de synthèse. Il lie le récepteur de la progestérone, ce qui inhibe l’ovulation par suppression de l’axe hypothalamo-hypophysaire et augmente la viscosité du mucus cervical, empêchant ainsi le passage des spermatozoïdes.
Troisième génération
Progestatif désogestrel (dans Varnoline ou Desobel) : le désogestrel, qui est métabolisé en étonogestrel actif, présentant une activité minimale sur le métabolisme lipidique et glucidique, est préconisé pour les patientes sujettes aux effets métaboliques des contraceptifs. Le désogestrel offre également une meilleure sélectivité pour le récepteur de la progestérone, réduisant ainsi les effets androgéniques et œstrogéniques indésirables.
Progestatif gestodène et norgestimate (dans Harmonet, Melodia, Triafemi et Optikinzy) : ces molécules se caractérisent par une forte sélectivité pour les récepteurs de la progestérone, tout en ayant une influence moindre sur les récepteurs des androgènes et des minéralocorticoïdes. Cela se traduit par une diminution de l’acné et de la rétention d’eau, et un profil favorable sur le poids et la tension artérielle.
Quatrième génération et autres progestatifs récents
Les pilules telles que Jasmine et Yaz, qui contiennent de la drospirénone, et d’autres utilisant l’acétate de chlormadinone ou le diénogest, sont considérées de quatrième génération. Ces formulations modernes offrent des avantages spécifiques comme des effets anti-androgéniques, bénéfiques dans le traitement de l’acné et de l’hirsutisme, tout en maintenant une attention particulière sur le risque de thrombose veineuse.
Pilules et doses d’œstrogène
La classification des pilules ne se limite pas uniquement au type de progestatif qu’elles contiennent, mais s’étend également à la composition et à la dose d’œstrogène. Les contraceptifs oraux combinés peuvent notamment être identifiés selon qu’ils contiennent de l’éthinylestradiol (EE) ou d’autres formes d’œstrogènes. Les pilules contenant de l’éthinylestradiol sont classées en fonction de leur dosage, avec des formulations minidosées allant de 15 à 40 µg d’EE par comprimé. D’autres options incluent le valérate d’estradiol, utilisé dans une plage de dosage de 1 à 3 mg selon la phase du cycle de traitement, ou de l’estradiol à une dose unitaire de 1,5 mg. En outre, la structuration des pilules peut varier : monophasique, où œstrogènes et progestatifs sont administrés à dose fixe tout au long du cycle ; biphasique, qui implique deux dosages distincts pour les phases respectives ; triphasique, où trois dosages différents sont utilisés en succession pour imiter plus fidèlement les fluctuations hormonales naturelles ; et multiphasique, une approche plus complexe avec plus de trois dosages ajustés pour optimiser l’efficacité et minimiser les effets secondaires.
Pilules et âge
Pour les femmes de moins de 35 ans sans contre-indications aux EP (œstroprogestatifs), le choix peut se porter sur des EP ou des DIU, voire des progestatifs oraux. Pour celles âgées de 35 à 40 ans, une évaluation du risque vasculaire est primordiale. En cas d’absence de risque, les options restent similaires à celles des femmes plus jeunes, avec une possibilité d’utiliser les EP en première intention ou les DIU. Si un risque vasculaire est identifié, la préférence se déplace vers les DIU ou les progestatifs, réduisant ainsi l’exposition aux œstrogènes. À partir de 40 ans, la prudence est de mise en raison des risques accrus de complications cardiovasculaires. À cet âge, peuvent apparaître « des cycles irréguliers, des règles plus abondantes et d’autres symptômes hormonaux ». Dans ces cas, la spécialiste précise que « sont proposées des méthodes contraceptives qui réduisent ou éliminent les règles, comme les stérilets hormonaux ou les pilules progestatives continues, sans œstrogènes ».
Une pilule, des indications
« La pilule contraceptive, bien que principalement utilisée pour prévenir la grossesse », peut être prescrite « pour d’autres indications qui répondent à divers besoins de santé liés à l’âge et à des conditions médicales particulières », précise le Dr EL BAHJA, « à l’instar de Diane 35, prescrite pour traiter l’acné, ou encore le diénogest, utilisé dans le traitement de l’endométriose ». Ces exemples illustrent la polyvalence de la pilule, qui peut être adaptée pour moduler non seulement la fertilité, mais aussi pour améliorer la qualité de vie en traitant d’autres pathologies. Ainsi, « le choix d’une pilule appropriée est conditionné par divers facteurs tels que l’âge de la patiente, son mode de vie, notamment si elle fume ou non, et la présence d’autres pathologies », précise la gynécologue obstétricienne. Cette approche personnalisée assure que le traitement hormonal s’aligne non seulement avec les besoins contraceptifs, mais aussi avec les exigences de santé globale.
La pilule : diabolisée ?
La pilule contraceptive, bien que largement utilisée et soutenue par des études scientifiques approfondies, est souvent diabolisée, particulièrement sur les réseaux sociaux. Ces plateformes peuvent rapidement amplifier et propager des idées reçues et des informations non vérifiées, alimentant ainsi des craintes infondées parmi les utilisatrices potentielles. Des préoccupations autour des effets secondaires, comme la prise de poids, sont fréquemment exacerbées par des témoignages et des avis personnels. Bien que ces expériences individuelles puissent être vraies, elles ne représentent pas nécessairement l’expérience de la majorité ni les résultats des recherches médicales rigoureuses. Cette diabolisation « peut dissuader certaines femmes d’utiliser la pilule comme méthode contraceptive, malgré son efficacité prouvée et son rôle important dans la prise en charge de pathologies associées », ajoute le Dr EL BAHJA.
Les pilules du lendemain
La contraception d’urgence utilise deux molécules : le lévonorgestrel et l’acétate d’ulipristal.
Le lévonorgestrel, un progestatif de seconde génération, administré à 1,5 mg, prévient la conception par inhibition de l’ovulation et modification de l’endomètre pour un environnement utérin défavorable à la nidation, tout en épaississant le mucus cervical pour limiter la migration spermique.
L’acétate d’ulipristal, dosé à 30 mg, agit en tant que modulateur sélectif des récepteurs à la progestérone, intervenant efficacement sur le blocage de l’ovulation, même après l’initiation du pic de LH préovulatoire.
Le lévonorgestrel est optimal lorsqu’il est pris dans les 72 heures post-exposition, tandis que l’acétate d’ulipristal peut être utilisé jusqu’à 5 jours après. L’interaction avec des inducteurs enzymatiques tels que la carbamazépine ou la rifampicine peut considérablement diminuer l’efficacité de ces agents, accélérant le métabolisme hépatique et nécessitant une évaluation attentive des médicaments concomitants par le professionnel de santé.
Les effets secondaires associés à ces contraceptifs d’urgence incluent des nausées, des douleurs abdominales, de la fatigue et des céphalées, qui sont généralement transitoires. Des perturbations menstruelles telles que des retards ou des saignements irréguliers peuvent également survenir. L’acétate d’ulipristal peut induire des tensions mammaires et des changements d’humeur. Depuis le 1er janvier 2023, la contraception d’urgence est intégralement prise en charge par l’Assurance maladie ou par l’AME.
Comment facturer ?
Pour une personne majeure ou mineure ne souhaitant pas bénéficier du secret : vous renseignez sur la facture le NIR de l’assurée.
Pour une personne mineure qui souhaite le secret : vous renseignez le NIR fictif (2555555CCC042/XX) avec la date de naissance réelle de l’assurée (ou à défaut : la date fictive) ; CCC est la caisse de rattachement de la pharmacie et XX est la clé calculée du NIR. La facturation doit se réaliser en exonération via le code Exo div pour une prise en charge à 100 %.
Pilules contraceptives et idées reçues
« Le premier jour du cycle, c’est le jour d’arrêt des règles »
Non, le premier jour du cycle correspond au premier jour des règles. Ce marqueur indique le début d’un nouveau cycle menstruel, qui est en moyenne 14 jours après l’ovulation précédente.
« L’ovulation a toujours lieu au 14e jour du cycle »
Bien que le 14e jour soit une approximation courante pour un cycle standard de 28 jours, l’ovulation peut effectivement varier d’une femme à l’autre, et même d’un cycle à l’autre chez la même femme. Des facteurs « tels que le stress, les variations hormonales, les changements de poids ou le mode de vie peuvent influencer le timing de l’ovulation », indique le Dr Dalila EL BAHJA. Par conséquent, la surveillance des signes d’ovulation peut être une meilleure approche pour prédire ce moment clé de la fertilité.
« Il n’y a pas de risque de grossesse puisque j’ai encore mes règles »
Il est possible de concevoir pendant les règles, surtout si les cycles sont courts ou irréguliers. L’ovulation peut survenir peu après les règles, permettant ainsi à des spermatozoïdes viables, présents dans le tractus génital depuis les derniers jours des menstruations, de féconder un ovule.
« Aucun risque si le partenaire se retire avant d’éjaculer »
Le retrait avant l’éjaculation réduit le risque de grossesse, mais ne l’élimine pas complètement. Le liquide préséminal, émis avant l’éjaculation, peut contenir des spermatozoïdes suffisants pour entraîner une grossesse. De plus, la maîtrise du timing du retrait n’est pas toujours précise, ce qui augmente le risque.