Grand Angle spécial pédiatrie à l'officine : bien conseiller nourrissons et jeunes parents

Entre petits maux et grandes inquiétudes, l'officine est souvent la première porte à laquelle les parents frappent lorsque bébé ne va pas bien. Du reflux aux troubles digestifs, des pleurs inexpliqués aux affections dermatologiques, en passant par les difficultés liées au sommeil et les questions autour de l'allaitement, le pharmacien et son équipe occupent une place centrale pour rassurer, conseiller et orienter les familles. Pour vous aider à mieux accompagner les parents, Pharma365 s'est entouré d'experts : le Dr Marc Bellaïche, gastro-pédiatre à l'hôpital universitaire mère-enfant Robert-Debré, Véronique Guibert, Chef de Projet Formulation Cosmétique chez Havea Group, Adeline Richard, psychologue et auteure, Justine Dupont et Ophélie Peugeot de Calmosine, Marion Ballangé, Directrice des ventes de Lansinoh France, ainsi que Carole Hervé, consultante en lactation. L'objectif de ce Grand Angle : permettre à toute l'équipe officinale d'améliorer concrètement la prise en charge des tout-petits au comptoir.

Thomas Kassab, DU de Pharmacie clinique, publié le 21 avril 2025

Grand Angle spécial pédiatrie à l’officine : bien conseiller nourrissons et jeunes parents

Sommaire

Nourrisson ou nouveau-né ?

En pédiatrie, la précision des termes est essentielle, notamment lorsqu’il s’agit d’évaluer les troubles digestifs selon les critères de Rome IV. « Le terme nouveau-né désigne l’enfant de 0 à 28 jours, tandis que le nourrisson correspond à la période qui s’étend du 29e jour jusqu’à l’acquisition de la marche, rappelle le Dr Bellaïche, pouvant aller jusqu’à 18 mois, voire 2 ans ». Une terminologie à respecter scrupuleusement pour éviter toute confusion dans l’interprétation des symptômes et la communication entre professionnels de santé.

Troubles digestifs

Trois troubles fonctionnels à connaître

Les troubles digestifs sont un motif de questionnement récurrent chez les jeunes parents, et les pharmaciens sont souvent les premiers professionnels de santé sollicités. « On retrouve notamment les régurgitations, le mérycisme, les vomissements cycliques, les coliques, la diarrhée fonctionnelle, la constipation ou encore la dyschésie », énumère le Dr Marc Bellaïche, spécialisé en gastro-entérologie et nutrition pédiatrique. Toutefois, « en officine, ce sont surtout les régurgitations, les coliques du nourrisson et la constipation qui concentrent les demandes des parents et les conseils des pharmaciens ».

Les signes d’alerte

Les régurgitations sont un phénomène extrêmement fréquent chez le nourrisson, et dans l’immense majorité des cas, elles sont bénignes. « Un bébé peut régurgiter jusqu’à 30 fois par jour sans que cela soit inquiétant, tant qu’il prend du poids et reste en bon état général », souligne le Dr Marc Bellaïche. Ce phénomène s’explique d’abord par la taille réduite de l’estomac du nourrisson. « À un mois, l’estomac a la taille d’un œuf, soit environ 80-100 ml », explique le pédiatre. Or, les prises alimentaires sont souvent supérieures à cette capacité : « Si la quantité de lait ingéré dépasse la contenance de l’estomac, la vidange gastrique est ralentie et le lait peut remonter ». Cela concerne aussi bien les bébés allaités que ceux nourris au biberon.

Le Dr Bellaïche tient à lever une idée reçue : « le sphincter œsophagien est fonctionnel même chez les prématurés. L’hypotonie vraie est rare. Ce sont plutôt des relaxations inappropriées du sphincter dues à une pression intragastrique trop forte qui expliquent les régurgitations ».

Cependant, trois signes doivent alerter et imposer une consultation médicale :

  • Un rejet verdâtre, même isolé, est toujours pathologique,
  • Un vomissement en jet n’est jamais banal,
  • Une perte de poids supérieure à 10 % du poids de naissance doit être considérée comme un critère de gravité.

Coliques du nourrisson ou constipation ?

Les coliques se traduisent par des pleurs prolongés, sans cause médicale identifiable, survenant généralement à partir de 15 jours de vie et durant jusqu’à trois mois. « Elles sont souvent liées à la sensibilité sensorielle du bébé, mais également à son microbiote intestinal, dont l’influence sur les coliques est aujourd’hui bien documentée », explique le Dr Bellaïche.

La constipation fonctionnelle, quant à elle, ne peut être diagnostiquée qu’au-delà du premier mois de vie. « Aucun nouveau-né ne peut être étiqueté constipé. Il faut un trouble chronique du transit, présent depuis au moins un mois, pour parler de constipation fonctionnelle », insiste-t-il. Autre point à rappeler : la fréquence des selles ne suffit pas à poser le diagnostic. « Un bébé peut faire une selle par jour et être constipé si elle est dure, sèche, et si l’exonération est douloureuse. Ce n’est pas la fréquence, mais la difficulté à émettre les selles qui compte ».

Dans la pratique, les troubles fonctionnels digestifs sont souvent intriqués. « Un nourrisson peut cumuler coliques, régurgitations et constipation. Plus de la moitié des cas présentent plusieurs de ces troubles simultanément, et ils relèvent, pour beaucoup, de l’axe intestin-cerveau », précise le spécialiste.

Il est ainsi important d’expliquer cette logique aux parents, en proposant des formules adaptées, ou en recommandant des fibres et probiotiques, tout en orientant vers le pédiatre en cas de doute ou de symptômes persistants.

Les gestes qui apaisent

Pour calmer le bébé, il existe plusieurs astuces pratiques :

  • Porter le bébé en position verticale contre soi ou l’allonger à plat ventre sur l’avant-bras pour exercer une légère pression sur son abdomen.
  • Masser doucement son ventre dans le sens des aiguilles d’une montre, éventuellement avec une huile spécialement formulée pour bébé, comme l’huile de massage réconfort ventre PranaBB de Pranarom, puis effectuer de petits mouvements de « pédalo » avec ses jambes pour faciliter l’évacuation des gaz.
  • Utiliser une source de chaleur douce (bouillotte tiédie) posée sur l’abdomen pour détendre ses muscles.
  • Fractionner les repas en donnant des quantités moindres, mais plus fréquemment, et faire faire systématiquement le rot après chaque prise alimentaire.
  • Une promenade en poussette ou en voiture peut aussi avoir un effet apaisant grâce aux mouvements réguliers.

Selon Justine Dupont, ces techniques de massage et de portage, « visent à calmer le bébé non pas tant en agissant mécaniquement sur la digestion qu’en induisant un apaisement global. Cela renforce également le lien entre le bébé et ses parents, améliorant leur sentiment de maîtrise face aux pleurs. »

Quelles solutions proposer ?

En pharmacie, plusieurs produits naturels peuvent être conseillés pour soulager les coliques :

  • Calmosine Digestion : complément alimentaire développé il y a plus de 25 ans par un pédiatre et un pharmacien, composé d’extraits naturels de Fenouil (reconnu pour ses effets bénéfiques sur la digestion), de Tilleul et de Fleur d’oranger (connus pour leurs propriétés apaisantes). « Ce produit 100 % naturel agit directement sur l’inconfort digestif et apaise les pleurs, il est utilisable dès la naissance et peut être administré jusqu’à 6 fois par jour, apportant ainsi un soulagement immédiat », précise Justine Dupont.
  • Calmosine CLQ : une solution à base de la souche probiotique B. animalis ssp. Lactis BB12®, bien documentée pour ses effets bénéfiques sur les fonctions gastro-intestinales du nourrisson et de l’enfant. « Cette souche a démontré sa capacité à réduire l’agitation et les pleurs excessifs des bébés, tout en améliorant la qualité de vie des parents », souligne Justine Dupont.

Diversification alimentaire et constipation

Lors de la diversification alimentaire, autour de 4 à 6 mois, d’autres inconforts digestifs peuvent apparaître, notamment la constipation. Calmosine propose alors une solution spécifique : « le produit Calmosine Transit, enrichi en fibres naturelles (caroube, acacia, tamarin) et associé au probiotique B. lactis LAFTY B94, est conçu pour faciliter un transit régulier tout en limitant ballonnements et inconfort digestif », explique Justine Dupont, docteur en pharmacie.

Synergies plantes et probiotiques

Les combinaisons de plantes et de probiotiques offrent une approche complète : « associer phytothérapie et probiotiques permet une prise en charge holistique des troubles digestifs, particulièrement efficace dans des cas comme les coliques du nourrisson. Les fibres et les probiotiques agissent de manière symbiotique », rappelle Justine Dupont.

Quelle vigilance ?

Il est fondamental d’éliminer toute suspicion de pathologie plus grave. En présence de fièvre, vomissements, diarrhée, ventre très dur, ou d’une apathie inhabituelle, la consultation pédiatrique est impérative. En dehors de ces signes d’alerte, les pleurs inconsolables relèvent essentiellement de l’accompagnement et du soutien parental. Surtout, jamais un nourrisson ne doit être secoué, même sous l’effet de la frustration, en raison des risques graves pour sa santé cérébrale.

Allaitement

Allaitement maternel

L’allaitement exclusif jusqu’à 6 mois est vivement recommandé pour ses nombreux bienfaits, car « rien ne peut remplacer le lait maternel, qui est unique, tant par ses macro-nutriments que ses micro-nutriments », rappelle Carole Hervé, consultante en lactation IBCLC. Au-delà de l’alimentation, le lait maternel renforce le système immunitaire du nourrisson et réduit les risques d’asthme, d’allergies, de troubles métaboliques et de mort subite du nourrisson. Pour la mère, l’allaitement protège contre certains cancers hormono-dépendants, l’ostéoporose et favorise une meilleure récupération post-partum.

Le lait évolue au cours de chaque tétée pour s’adapter aux besoins de l’enfant. En officine, il est essentiel d’encourager l’allaitement et d’éduquer sur la bonne prise du sein : « une bouche grande ouverte et un corps bien collé à la mère préviennent la majorité des douleurs », insiste Carole Hervé.

Crevasses et engorgement

Pour prévenir ou soulager crevasses et engorgements, l’accompagnement est clé. « Les crevasses sont souvent liées à un mauvais positionnement ; la lanoline favorise une meilleure hydratation des couches supérieures de l’épiderme, l’élasticité de la peau et apaise les gerçures ou les pommades à base d’algue rouge peuvent accélérer la cicatrisation », précise-t-elle. En cas de lésions infectées, une pommade à base de miel stérilisé ou une crème antibiotique peuvent être prescrites. L’utilisation de bouts de sein en silicone doit rester ponctuelle et adaptée à la morphologie : « Un mauvais choix d’écran peut aggraver la situation », prévient Carole Hervé.

Que faire face à une mastite ?

Face à une mastite, l’urgence est d’agir vite : « drainage, chaleur locale, tétées fréquentes sont essentiels et éventuellement associés à un antalgique type paracétamol », explique Carole Hervé. Si la fièvre persiste, des antibiotiques adaptés (Cloxacilline, Pyostacine®, …) seront prescrits, sans interrompre l’allaitement. « Même en cas d’abcès, il est préférable de poursuivre l’allaitement pour éviter les complications, car l’infection reste encapsulée et ne contamine pas les canaux lactifères ni le lait », précise-t-elle.

Écoute et bienveillance

Le soutien et l’écoute sont primordiaux pour accompagner les mères dans ces situations parfois éprouvantes. « Plus l’allaitement est encouragé avec bienveillance, plus les mères persévèrent et tirent pleinement bénéfice de cette aventure pour elles et leur enfant », rappelle Carole Hervé. En cas de besoin, une ligne d’écoute gratuite, SOS Allaitement, est disponible tous les soirs de 19h à 22h ainsi que les week-ends et jours fériés de 10h à 17h au 0800 800 315.

Tire-lait

Avant toute chose, il est essentiel de situer la maman dans son parcours d’allaitement. « Il faut savoir où en est la maman : est-ce un démarrage d’allaitement, une sortie de maternité, une reprise du travail, une baisse de lactation ou un bébé en néonatologie ? », explique Marion Ballangé, directrice des ventes de Lansinoh France. Poser ce cadre permet de proposer un matériel vraiment adapté aux besoins spécifiques.

Choix de l’appareil

« En fonction du contexte, on ne propose pas le même type d’appareil », souligne Marion Ballangé, directrice des ventes de Lansinoh France. Aujourd’hui, les tire-laits ont beaucoup évolué, combinant souvent performance et portabilité. Selon que la maman ait besoin de stimuler sa lactation, d’exprimer son lait sur son lieu de travail ou de l’utiliser principalement à domicile, le choix du modèle (puissant, nomade, intuitif…) sera différent.

Les dispositifs

  • Le simple pompage (un sein à la fois) : plutôt adapté à un usage ponctuel (reprise du travail à temps partiel, sortie sans bébé). Dans ce cas, il faut alterner les seins toutes les 10 à 15 minutes.
  • Le double pompage (deux seins simultanément) : recommandé en cas d’extraction fréquente (reprise à temps plein, allaitement exclusif sans mise au sein, prématuré hospitalisé…). Ce mode permet un gain de temps, une meilleure stimulation de la lactation et une production de lait supérieure. Le double pompage peut aussi être utile en période de baisse de lactation ou en cas d’engorgement. À rappeler : en règle générale, il est déconseillé de tirer son lait juste après une tétée. Mieux vaut attendre 1 à 2 heures, sauf consigne particulière du professionnel de santé.

La taille des téterelles

Un point clé : la taille des téterelles. « Il faut s’assurer de la taille du mamelon. Elle est soit notée sur l’ordonnance, soit elle est à mesurer directement », recommande Marion Ballangé. Pour choisir la taille de téterelle qui correspond, il faut mesurer le diamètre du mamelon. « Si la mesure est faite au repos, c’est-à-dire en dehors d’une tétée, il est recommandé d’ajouter 1 à 2 mm pour obtenir la taille correcte. »

La vigilance ne doit pas s’arrêter là : « La taille des téterelles peut évoluer au fil de l’allaitement, et une douleur ou une baisse de lactation peuvent être liées soit à l’appareil, soit à la fatigue ou au ressenti de la maman », insiste-t-elle. Un réajustement de la taille peut parfois faire toute la différence dans la poursuite de l’allaitement.

La puissance d’aspiration

La puissance du tire-lait est un critère souvent méconnu. « Pour initier ou restimuler une lactation, il faut un appareil qui délivre au minimum 250 mmHg en double pompage », précise Marion Ballangé. Ces informations techniques sont disponibles auprès des fournisseurs ou sur les notices des fabricants, et doivent être connues pour orienter au mieux le choix du matériel selon la situation de la maman.

Quel entretien ?

« On conseille un premier lavage ou une stérilisation avant utilisation, puis un nettoyage soigneux à l’eau chaude savonneuse après chaque séance », explique-t-elle. Certaines pièces peuvent passer au lave-vaisselle selon les marques, mais un séchage à l’air libre reste préférable pour éviter toute contamination. Une stérilisation quotidienne (par ébullition ou stérilisateur) n’est pas nécessaire.

Laits infantiles

En l’absence d’allaitement maternel, un nourrisson reçoit un lait 1er âge de la naissance jusqu’à 6 mois, puis un lait 2e âge jusqu’à 1 an. Le passage au 2e âge n’a pas besoin d’être calé « au jour près » : « il peut être anticipé d’environ un mois, notamment au début de la diversification », précise le Dr Marc Bellaïche, gastro-pédiatre.

  • Les laits standards : ils conviennent à la majorité des nourrissons sans pathologie particulière. Tous respectent un cadre réglementaire strict, bien que leurs formules diffèrent légèrement. « Ils ne sont pas interchangeables comme des génériques. Chacun a ses particularités en termes de tolérance, de goût ou d’effets digestifs », rappelle le spécialiste.
  • Les laits AR : pour les nourrissons sujets aux régurgitations fréquentes, les laits AR (anti-régurgitations) sont indiqués. Ils sont épaissis à l’amidon (Novalac Expert® AR), à la caroube (Gallia Bébé Expert AR®), ou avec un épaississant comme Gumilk® à ajouter au lait standard ou maternel. « L’efficacité entre amidon et caroube est similaire, mais la tolérance digestive varie d’un bébé à l’autre », souligne le Dr Bellaïche. Ces laits sont à éviter chez les prématurés ou les bébés de faible poids.
  • Les laits hypoallergéniques (HA) : autrefois utilisés en prévention chez les nourrissons à risque atopique, ils ne sont aujourd’hui plus recommandés. « Ils n’ont jamais démontré de réelle efficacité. Pire, leur usage pourrait favoriser le développement d’un terrain allergique », insiste le gastro-pédiatre.
  • Les laits AC : en cas de coliques, ballonnements ou inconfort digestif, des formules spécifiques peuvent améliorer ces symptômes. C’est le cas de Novalac Novagest+, une nouvelle référence de la gamme Novalac Expert, indiquée en cas de troubles digestifs globaux. Ce lait, utilisable de 0 à 12 mois, agit à la fois sur les régurgitations, la constipation et les douleurs abdominales. Pour les coliques simples, certains laits AC (comme Guigoz Expert AC®) intègrent des protéines partiellement hydrolysées ou des probiotiques, avec une efficacité modérée. « Ces formules peuvent améliorer le confort, mais ce sont surtout les gestes de portage, de massage et l’attention portée au rythme du bébé qui font la différence », rappelle le Dr Bellaïche.

  • Les laits APLV : en cas d’allergie aux protéines de lait de vache (APLV) – qui concerne environ 2 à 3 % des nourrissons – plusieurs alternatives existent : hydrolysats extensifs (Nutramigen LGG®, Pepti-Junior®), formules épaissies en cas de reflux associé (Allernova AR®), ou formules à base d’acides aminés (Néocate®, Amina®) si les précédentes sont mal tolérées. Lorsque le goût constitue un frein, notamment chez les plus grands, des formules à base de protéines de riz hydrolysées comme Novalac Riz® sont une option intéressante.
  • Les laits sans lactose : à l’image de Diargal®, ils sont utilisés temporairement, notamment après une diarrhée aiguë, sur une durée de 5 à 7 jours, avant reprise du lait habituel.

Enfin, une vigilance particulière est nécessaire face à certains produits en vente libre. « Les laits d’amande, de coco ou d’avoine ne sont pas des formules infantiles. Ce sont des jus végétaux qui ne couvrent pas les besoins du nourrisson. Leur usage peut entraîner des carences graves et des hospitalisations », alerte le Dr Bellaïche.

Diversification alimentaire

L’introduction progressive d’aliments solides ou semi-solides en complément du lait, doit commencer entre 4 et 6 mois chez les bébés en bonne santé nés à terme. Cette période correspond à une « fenêtre de tolérance », identifiée comme idéale pour introduire divers aliments, y compris ceux potentiellement allergènes, afin de favoriser la tolérance immunitaire et réduire le risque d’allergies.

« Les recommandations actuelles ont totalement changé ces dernières années, explique le Dr Marc Bellaïche. On encourage désormais une introduction précoce et variée des aliments, y compris ceux potentiellement allergènes (œufs, arachide, …), dès la fin du 4e mois, que le bébé soit allaité ou non. »

Il est conseillé d’introduire un aliment à la fois, en respectant le rythme de l’enfant, et de le proposer plusieurs jours de suite en petite quantité pour favoriser l’acceptation. « Plus on expose tôt l’enfant à ces aliments en petites quantités régulières, plus on favorise une tolérance immunitaire durable. L’idée n’est pas de suivre un agenda strict – comme le jaune d’œuf à 7 mois, la viande à 9 mois… – mais de solliciter les bébés, en fonction de leur curiosité et de leur appétit », souligne le spécialiste.

On débute généralement par des purées de légumes bien cuits, puis des compotes de fruits sans sucre ajouté. Vers 6 mois, de petites quantités de protéines animales peuvent être proposées (viande, poisson, œuf bien cuit – environ 10 g/jour). Les aliments allergènes peuvent être introduits dès cette phase, sauf en cas d’allergie avérée. En revanche, le sel, le sucre ajouté et le miel (en raison du risque de botulisme) restent à éviter.

Dès que l’enfant consomme autre chose que du lait, il est recommandé de lui proposer de l’eau, à la tasse ou au biberon. L’introduction précoce de morceaux fondants, avant 10 mois, est aussi encouragée pour favoriser l’apprentissage de la mastication.

« Il ne faut pas négliger le rôle fondamental du lait infantile pendant toute cette période, insiste le Dr Bellaïche. Même si l’enfant découvre les solides, le lait reste une source majeure de nutriments jusqu’à l’âge de 1 an – voire au-delà chez les enfants petits mangeurs. »

Dermatologie du nourrisson

Érythème fessier

L’érythème fessier, inflammation cutanée liée au contact prolongé avec l’urine et les selles sous la couche, touche jusqu’à 80 % des nourrissons. Pour prévenir son apparition, recommandez de changer les couches très fréquemment, notamment après chaque selle, et d’utiliser un nettoyant doux comme un liniment oléo-calcaire à base d’huile végétale biomimétique, telle que l’huile d’olive riche en insaponifiables protecteurs.

Lors du change, il est essentiel de bien sécher la peau en tamponnant, notamment dans les plis, puis d’appliquer une crème barrière fine à base d’oxyde de zinc. « Lorsqu’un érythème est léger, une crème de change classique suffit : l’oxyde de zinc crée une barrière physique, purifie et apaise », précise Véronique Guibert-Barrois de Biolane. En cas d’irritations plus sévères, préférez une pâte à l’eau (Eryderm® de Biolane ou Eryplast®) pour éviter la macération et favoriser une cicatrisation rapide.

Conseillez également d’utiliser des couches jetables hautement absorbantes (éviter temporairement les couches lavables en cas d’érythème) et, si possible, de laisser le bébé un peu à l’air libre. Si l’érythème s’aggrave (lésions suintantes, rougeurs vives, points rouges), suspectez une surinfection par Candida ou un impétigo bactérien, nécessitant une consultation et un traitement adapté.

Peau sèche et eczéma atopique

La dermatite atopique est fréquente dès les premiers mois et se manifeste par des plaques sèches, rouges et prurigineuses, notamment au niveau des joues, des plis et des membres. Pour limiter les poussées, recommandez des bains tièdes (27-30 °C), courts (5-10min) et espacés (deux fois par semaine si peau très sèche), avec une huile lavante douce.

Après le bain, appliquez immédiatement un émollient riche pour restaurer la barrière cutanée. Selon Véronique Guibert-Barrois, « les baumes nourrissants, plus riches en corps gras qu’une crème classique, offrent une protection renforcée en cas d’irritations sévères ». Vous pouvez conseiller des produits comme le Baume Universel de Mustela ou encore Cicabébé® de Biolane.

Préconisez des vêtements en coton doux, en évitant les fibres irritantes. En cas d’eczéma avéré, rappelez que l’hydratation quotidienne reste essentielle et qu’en période de poussée, l’utilisation d’un dermocorticoïde, sur prescription et en couche fine, est nécessaire. Si des croûtes jaunâtres ou un suintement apparaissent, évoquez une possible surinfection et orientez vers un pédiatre.

Soins du cordon et hygiène générale

Le cordon ombilical doit être gardé propre et sec jusqu’à sa chute (en environ 1 à 2 semaines). Conseiller aux parents de nettoyer le cordon une fois par jour soit avec de l’eau et un savon doux puis de sécher, soit à l’aide d’une compresse imbibée de chlorhexidine aqueuse (type Biseptine®) et toujours de bien se laver les mains avant. Il est recommandé de laisser le cordon à l’air (ne pas le recouvrir d’une couche ou d’un pansement) et de surveiller : si le pourtour du nombril est rouge, gonflé, chaud, s’il y a du pus ou une mauvaise odeur, consulter sans délai (risque d’omphalite). Il est nécessaire de continuer à nettoyer le nombril jusqu’à cicatrisation complète.

Quels autres conseils d’hygiène ?

Par ailleurs, rappeler quelques règles d’hygiène quotidiennes : nettoyer les yeux de bébé avec du sérum physiologique (compresse stérile différente pour chaque œil) du coin interne vers l’externe en cas de sécrétions, laver le nez avec du sérum physiologique surtout avant les tétées si encombré. Pour la toilette intime, essuyer les fillettes de l’avant vers l’arrière, et ne pas forcer le décalottage chez les garçons (risque de blessure).

Vaccinations du nourrisson

Nous jouons un rôle majeur dans le bon suivi des vaccinations de bébé : on délivre les vaccins, on rassure sur leur intérêt et on rappelle le calendrier vaccinal. Pour rappel, depuis 2018, 11 vaccinations sont obligatoires chez les nourrissons nés en France. lls couvrent notamment le DTP, la coqueluche, H. influenzae B, l’hépatite B, le pneumocoque, le méningocoque C et le ROR. Ce calendrier peut être résumé ainsi :

  • À 2 mois : 1ʳᵉ inj. Hexavalent (Vaxelis®) + 1ʳᵉ inj. Pneumo. (Vaxneuvance®).
  • À 3 mois : 1ʳᵉ inj. Méningo B (Bexsero®)
  • À 4 mois : 2ᵉ inj. Hexavalent (Vaxelis®) + 2ᵉ inj. Pneumo. (Vaxneuvance®).
  • À 5 mois : 2ᵉ inj. Méningo B (Bexsero®)
  • À 6 mois : 1ʳᵉ inj. Méningo ACWY (Nimenrix®)
  • À 11 mois : 3ᵉ inj. Hexavalent (Vaxelis®) + 3ᵉ inj. Pneumo. (Vaxneuvance®).
  • À 12 mois : 1ʳᵉ inj. ROR (Priorix® ou MMRvaxPro®) + 2ᵉ inj. Méningo ACWY (Nimenrix® ou Menquadfi®) + 3ʳᵉ inj. Méningo B (Bexsero®)
  • Vers 16-18 mois : 2ᵉ inj. ROR (Priorix® ou MMRvaxPro®).

Et le rotavirus ?

Il est recommandé de promouvoir la vaccination contre le rotavirus, récemment remboursée par l’Assurance maladie pour les nourrissons âgés entre 6 semaines à 24 semaines pour le Rotarix® et jusqu’à 32 semaines pour le Rotateq®. Les schémas possibles sont les suivants :

deux doses per os (à 2 et 3 mois de vie) pour le vaccin monovalent Rotarix®,

trois doses per os (à 2, 3 et 4 mois de vie) pour le vaccin pentavalent Rotateq®.

Prevenar® 13 ou Vaxneuvance® ?

Vaxneuvance® représente une meilleure alternative face à Prevenar 13®, en raison de sa formulation incluant 15 sérotypes de S. pneumoniae, versus 13.

Quels conseils autour des vaccins ?

On se doit de rappeler aux parents de bien suivre ce calendrier (les dates sont notées dans le carnet de santé). Également, expliquer que les réactions post-vaccinales courantes sont la fièvre modérée et l’irritabilité pendant 24-48 heures : on peut donner du paracétamol en prévention ou en traitement (15 mg/kg/dose) pour le confort de bébé. En cas d’interrogations des parents (par exemple sur les adjuvants, l’obligation, etc.) : privilégiez le dialogue pour rassurer.

Sommeil des nourrissons : accompagner parents et bébés

« Faire ses nuits » : une expression à revoir

L’expression « faire ses nuits » est souvent trompeuse pour les parents. Adeline Richard, psychologue et auteure de « Ma Boîte de Nuit » (La Tribu Happy Kids), précise : « en réalité, faire ses nuits signifie davantage faire les nuits de ses parents, pas forcément les siennes. » Pour un nouveau-né, il est normal que le rythme circadien, cette différenciation entre jour et nuit, ne soit pas développée avant environ 6 mois.

Des repères d’âge pour le sommeil des bébés

Selon Adeline Richard, il existe des repères clairs à mettre en avant : « jusqu’à 6 mois, il est tout à fait normal qu’un enfant ne soit pas encore calé sur le rythme circadien. À partir de 6 mois, on s’attend à une différenciation jour/nuit plus nette. Entre 6 mois et 2 ans, les réveils nocturnes restent normaux, mais l’important est que le temps total de sommeil soit suffisant. Après 2 ans, des réveils fréquents ou des difficultés à l’endormissement peuvent devenir problématiques. »

Le nombre d’heures, un indicateur essentiel

Adeline Richard souligne également l’importance du nombre d’heures de sommeil quotidien : « si un nouveau-né dort moins de 10 heures par 24 heures, là, c’est problématique ». Des normes existent pour guider les parents, par exemple : entre 0 et 3 mois, un bébé devrait dormir entre 14 et 17 heures par jour, tandis que de 4 à 12 mois, ce besoin diminue entre 12 et 15 heures.

Rythme circadien : comment l’installer ?

Même si le rythme circadien n’est pas naturellement établi dès la naissance, il est possible d’aider le bébé à le mettre en place : « des rituels réguliers, une baisse de lumière et de bruit, ainsi qu’une température adaptée (18-20 °C max.) sont essentiels. » Adeline Richard recommande d’utiliser des lumières chaudes, douces, et un environnement calme pour augmenter la mélatonine et réduire le cortisol.

Rassurer sans créer de dépendance

Avant 6 mois, un bébé a besoin de proximité constante avec ses parents. Après cet âge, Adeline Richard conseille d’éviter certaines habitudes : « à partir de 6 mois, on favorise un endormissement autonome : pas dans les bras, sans petite musique systématique. » Cette autonomie aide l’enfant à se rendormir seul après chaque cycle de sommeil, réduisant ainsi les réveils nocturnes.

Comment réagir aux réveils nocturnes ?

Selon la psychologue, il est normal d’attendre quelques minutes quand un bébé se réveille : « à partir de 6 mois, laisser pleurer légèrement l’enfant peut lui apprendre à se rendormir seul. Toutefois, si les pleurs persistent, rassurez-le par votre présence sans réinstaurer entièrement les rituels du coucher. »

Le co-dodo : bénéfices et limites

Le co-dodo est recommandé par l’OMS jusqu’à 6 mois pour prévenir la mort subite du nourrisson. « Dormir dans la même chambre, oui, mais pas dans le même lit », précise Adeline Richard. Au-delà de 6 mois, garder l’enfant dans la chambre des parents peut perturber l’autonomie du sommeil : « c’est possible, mais cela risque de retarder l’établissement d’un sommeil autonome. »

La chambre : un espace apaisant

Enfin, rappeler aux parents que la chambre doit rester un lieu sécurisant, dédié principalement au repos : « évitez d’associer la chambre à des punitions, car cela affecte négativement la perception du sommeil. Une chambre rangée, calme et peu stimulante favorise l’endormissement. »

Remplir le réservoir émotionnel

Pour conclure, Adeline Richard rappelle l’importance des interactions affectives en journée : « quelques minutes quotidiennes d’attention complète et affectueuse suffisent pour remplir le réservoir émotionnel du bébé, facilitant ainsi le coucher et améliorant globalement la qualité du sommeil. »