Veesion : quand l’intelligence artificielle révolutionne la sécurité des pharmacies

Avec la montée des vols en officine, notamment sur les produits de parapharmacie et de dermo-cosmétique, les pharmaciens cherchent des solutions efficaces pour sécuriser leurs rayons sans nuire à l’expérience client. Veesion, une start-up française, a développé une technologie d'intelligence artificielle qui détecte en temps réel les gestes suspects, révolutionnant ainsi la vidéosurveillance traditionnelle. À travers cette interview, Benoit Koenig, co-fondateur de Veesion, nous explique comment cette innovation est en train de transformer la sécurité en pharmacie, tout en respectant les libertés individuelles et en apportant une réponse adaptée aux besoins des titulaires d’officines.

Par Thomas Kassab, publié le 04 octobre 2024

Veesion : quand l’intelligence artificielle révolutionne la sécurité des pharmacies

Dans un contexte où la sécurité en pharmacie est de plus en plus mise à l’épreuve par les vols de produits onéreux, la technologie joue un rôle croissant pour soutenir les titulaires d’officines. Benoit Koenig, co-fondateur de Veesion, incarne cette nouvelle génération d’entrepreneurs français qui misent sur l’intelligence artificielle pour révolutionner la vidéosurveillance. Alors que la vidéosurveillance classique observe passivement, Veesion, grâce à l’IA, détecte en temps réel des gestes suspects, comme ceux pouvant indiquer un vol, offrant ainsi une solution proactive pour les pharmacies.

L’IA appliquée à la vidéosurveillance permet non seulement de renforcer la sécurité des officines, mais aussi d’alléger le travail des équipes en identifiant rapidement des comportements à risque, tout en respectant les libertés individuelles. Benoit Koenig et son équipe ont su mettre au point un outil à la fois éthique et efficace, adapté aux besoins des pharmaciens. Dans cette interview, il nous raconte comment Veesion s’est imposée comme une solution clé pour les pharmacies souhaitant renforcer la sécurité de leurs rayons, tout en maintenant un environnement de confiance pour leur clientèle.

Benoit Koening, co-fondateur de Veesion

Benoit Koening, co-fondateur de Veesion

Comment Veesion garantit-elle une surveillance efficace tout en respectant les libertés individuelles et les règles du RGPD ?

Benoit Koenig : Chez Veesion, notre priorité est de fournir une technologie qui renforce la sécurité tout en respectant les droits fondamentaux des individus. Notre système ne détecte pas les personnes, mais les gestes. L’intelligence artificielle se concentre sur des actions spécifiques, comme placer un produit dans un sac ou une veste, qui sont susceptibles d’indiquer un vol. Lorsqu’un tel geste est détecté, une vidéo courte de 5 secondes est envoyée aux titulaires ou à l’équipe de sécurité. C’est ensuite à eux de décider de la marche à suivre.

Notre approche est totalement conforme au RGPD. Nous n’utilisons pas de technologie de reconnaissance faciale ni de tracking d’individus. Veesion ne cherche pas à identifier les clients ou à suivre leurs déplacements, mais uniquement à reconnaître les comportements à risque dans la zone commerciale. De plus, les commerçants doivent informer leurs clients de la présence de ce système grâce à une affiche explicative à l’entrée du point de vente. Cela permet de garantir une transparence totale envers le public. Notre mission est de dissuader les comportements frauduleux sans porter atteinte à la vie privée.

Veesion peut-il surveiller les employés ?

Benoit Koenig : Notre IA est conçue exclusivement pour détecter les gestes associés au vol à l’étalage, et non pour surveiller les comportements des employés ou effectuer du profilage. L’algorithme est spécifiquement formé pour identifier des actions telles que le fait de cacher un produit, et ne prend pas en compte d’autres comportements comme l’utilisation du téléphone portable par un employé.

De plus, Veesion ne couvre que les zones commerciales accessibles aux clients et ne fonctionne pas dans les back-offices ou les espaces privés des employés. Cela limite naturellement tout usage détourné pour surveiller le personnel. Quant au profilage racial, cela n’a pas sa place dans notre technologie, qui se concentre uniquement sur les gestes. Nous faisons en sorte que notre IA soit aussi éthique que possible, en veillant à ce qu’elle ne contribue pas à des pratiques de discrimination ou de surveillance injustifiées.

En revanche, si un employé vole un article dans la zone surveillée, il sera détecté comme n’importe quel client. Ce type de détection reste rare, mais il montre bien que notre technologie ne discrimine pas en fonction du statut d’une personne dans le point de vente.

Que pensez-vous de la pratique du ‘name and shame’, consistant à afficher les photos de voleurs dans l’officine afin de dissuader de nouveaux vols ? (ndlr : le ‘name and shame’ désigne l’affichage public des photos de personnes identifiées comme responsables de vol, souvent utilisé comme mesure de dissuasion).

Exemple de name and shame en officine

Exemple de name and shame en officine

Benoit Koenig : Le “name and shame” est une pratique à laquelle nous nous opposons fermement. Bien que certains commerçants puissent être tentés de diffuser publiquement les noms ou les images des voleurs pour les dissuader, cela va à l’encontre de la législation et de nos valeurs éthiques. Cette méthode est illégale dans de nombreux pays, y compris en France, et elle peut entraîner des poursuites judiciaires pour atteinte à la vie privée.

Nous comprenons la frustration des commerçants, notamment face à des voleurs récidivistes qui semblent parfois échapper aux sanctions. Mais la solution ne réside pas dans l’humiliation publique. Veesion propose une approche plus subtile et respectueuse : nous dissuadons les comportements délictueux grâce à notre technologie sans compromettre la dignité des individus. L’utilisation de la vidéo en temps réel et l’intervention humaine garantissent un équilibre entre protection du commerce et respect des droits individuels.

Veesion peut-il se substituer à des agents de sécurité ?

Benoit Koenig : Veesion est là pour soutenir, pas pour remplacer. L’IA que nous proposons est un outil d’assistance, conçu pour aider les commerçants à gérer les risques de vol de manière plus efficace, mais elle ne doit jamais être vue comme une solution qui rendrait les commerçants dépendants. La technologie vient en renfort des équipes de sécurité existantes ou remplace une surveillance humaine lorsque cela n’est pas possible dans les plus petites officines.

Notre approche est de toujours placer l’humain au centre de la décision. Veesion analyse, alerte, mais c’est à l’équipe en place de décider de la suite à donner. Nous envisageons également de nouvelles fonctionnalités, comme le comptage des clients ou la gestion des ruptures de stock, pour offrir un service encore plus complet. Mais ces solutions, là encore, sont des outils d’aide à la décision. Elles permettent aux commerçants de gagner en efficacité, mais ne créent pas de dépendance excessive. Au contraire, elles libèrent du temps pour des tâches à plus forte valeur ajoutée.

Concrètement, comment ça fonctionne ?

Benoit Koenig : Veesion s’intègre de manière fluide dans le fonctionnement des pharmacies, sans nécessiter de grands changements. Grâce à un petit appareil connecté au système de vidéosurveillance existant, le dispositif analyse les flux vidéo en temps réel. L’intelligence artificielle de Veesion détecte les gestes suspects, comme le fait de placer un produit dans un sac. Lorsqu’un comportement à risque est repéré, une notification est immédiatement envoyée via une application mobile ou sous forme de pop-up sur les ordinateurs de l’officine. Cette alerte comprend une vidéo de 5 secondes permettant aux titulaires ou à l’équipe d’intervenir rapidement. En cliquant sur la notification, il est possible d’accéder à une séquence plus longue de 30 secondes pour analyser plus en détail la situation et confirmer s’il s’agit d’un geste frauduleux. Cette solution renforce la sécurité de manière proactive, tout en restant simple à utiliser et adaptée à l’organisation quotidienne des pharmacies.

Comment gérez-vous les “fausses alertes” générées par Veesion ?

Benoit Koenig : Les fausses alertes sont inévitables dans tout système de détection, mais nous travaillons constamment à réduire leur fréquence et leur impact. Aujourd’hui, environ 85 % des alertes générées par Veesion sont fiables, ce qui signifie que 15 % peuvent être des erreurs, souvent liées à des gestes anodins comme ranger son téléphone dans un sac.

Pour gérer ces erreurs, nous offrons plusieurs solutions aux commerçants. Tout d’abord, ils ont la possibilité de personnaliser les types de gestes qu’ils souhaitent surveiller, ce qui permet d’adapter le système à leurs besoins spécifiques. Ensuite, les fausses alertes ne durent que 5 secondes, et si nécessaire, ils peuvent cliquer sur « voir plus » pour accéder à une séquence vidéo plus longue de 30 secondes. Cela leur permet de vérifier rapidement s’il s’agit réellement d’un comportement suspect ou d’une fausse alerte.

Enfin, les retours de nos clients montrent que ces fausses alertes n’altèrent pas leur confiance envers le système, car elles sont perçues comme un coût minime par rapport aux bénéfices en termes de réduction des vols. Veesion reste un assistant pour l’humain, en améliorant la vigilance sans jamais se substituer totalement à la décision humaine.

Quel est le coût de la solution Veesion ?

Benoit Koenig : L’installation de Veesion est extrêmement simple et rapide. En moins d’une heure, notre serveur, qui est de la taille d’une main, est connecté aux caméras existantes du point de vente. Nous récupérons le flux en direct de ces caméras et commençons à analyser les gestes en temps réel. Il n’y a donc pas besoin d’investir dans de nouvelles caméras ou infrastructures complexes.

Concernant les coûts, ils sont adaptés à la taille de l’officine. L’installation initiale coûte quelques centaines d’euros, et l’abonnement mensuel varie entre 200 et 300 euros pour couvrir une quinzaine de caméras. Cela dépend du nombre de caméras connectées, mais nous avons conçu notre solution pour être accessible à toutes les pharmacies, y compris celles avec des budgets plus modestes. L’objectif est que même les petites officines puissent bénéficier de cette technologie, avec un retour sur investissement rapide.

En combien de temps une pharmacie peut-elle rentabiliser l’installation de Veesion ?

Benoit Koenig : La rentabilité de Veesion est directement liée à la valeur des produits susceptibles d’être volés, plus qu’à la taille de l’officine. Dans les pharmacies, certains produits de parapharmacie ou de dermo-cosmétique peuvent avoir une valeur élevée, ce qui en fait des cibles fréquentes pour les voleurs. Veesion permet de réduire les pertes liées au vol de 50 à 60 %, ce qui signifie qu’en fonction du niveau de vol, une officine peut rentabiliser son investissement en quelques mois seulement.

Dans les petites pharmacies, où il est souvent impossible de maintenir un agent de sécurité permanent, notre solution offre une surveillance continue et proactive. Elle permet aux équipes en place d’intervenir rapidement, avant que le vol ne soit commis, ce qui améliore la sécurité du magasin tout en préservant l’expérience client.

Quels sont les engagements contractuels standard avec Veesion en termes d’abonnement ?

Benoit Koenig : Nous proposons généralement des contrats de 60 mois, mais nous comprenons que certains commerçants puissent être réticents à s’engager pour une telle durée sans avoir testé la solution au préalable. C’est pourquoi, dans certains cas, notamment pour les petites pharmacies ou les chaînes de magasins, nous pouvons offrir des périodes d’essai de 12 mois. Cela permet aux commerçants d’évaluer l’efficacité de Veesion avant de s’engager à long terme.

Nous sommes également fiers d’être une entreprise 100 % française, avec une technologie développée localement par des ingénieurs spécialisés. Nos clients apprécient cette proximité et la maîtrise que nous avons sur notre produit. Nous travaillons déjà avec plus de 4 500 points de vente dans le monde, et notre taux de satisfaction client est extrêmement élevé. Cela prouve que notre technologie n’est pas seulement innovante, mais qu’elle répond véritablement aux besoins des commerçants en matière de sécurité.

Voir le reportable sur TF1  : Reportage de TF1 contre le vol à l’étalage en pharmacie