Les gardes de nuit en pharmacie : un sondage exclusif révèle les attentes et frustrations des pharmaciens titulaires

Les gardes de nuit, véritable pilier de la continuité des soins pharmaceutiques, suscitent des sentiments mitigés chez les pharmaciens titulaires. Une enquête exclusive pour Pharma365, menée du 3 au 10 octobre 2024 via la plateforme Pharmed’Insight, a permis de recueillir les avis de 50 pharmaciens titulaires à propos de leurs expériences des gardes nocturnes. Ce sondage exclusif met en lumière les défis liés à cette mission et les pistes de réflexion pour améliorer les conditions de travail des professionnels concernés.

Par Thomas Kassab, publié le 11 octobre 2024

Les gardes de nuit en pharmacie : un sondage exclusif révèle les attentes et frustrations des pharmaciens titulaires

Les gardes de nuit en pharmacie soulèvent des enjeux majeurs pour les pharmaciens titulaires, tant en termes de rémunération que d’organisation. Un sondage réalisé auprès de 50 pharmaciens révèle une volonté unanime de réformer le système, afin de mieux valoriser cette mission souvent perçue comme éprouvante. Entre demandes de priorisation des urgences, filtrage des interventions non nécessaires et propositions de revalorisation des horaires tardifs, l’enquête dresse un portrait fidèle des attentes et frustrations des professionnels de santé en première ligne.

Gardes de nuit : 86 % des pharmaciens titulaires favorables à une réforme

Le débat sur les gardes officinales, particulièrement en nocturne, est un sujet brûlant parmi les pharmaciens titulaires. Le graphique présenté révèle un consensus clair : 86 % des pharmaciens interrogés sont favorables à une réforme des gardes actuellement en discussion. Cette prise de position majoritaire s’inscrit dans un contexte de discussions intensifiées autour de la nécessité de moderniser et d’adapter le système de garde, en raison des pressions croissantes sur les pharmaciens, notamment liées à la surcharge de travail, au manque de reconnaissance et à l’insuffisance des indemnisations.

La réforme, envisagée par certains acteurs du secteur, viserait à revoir les modalités d’organisation des gardes, à introduire davantage de souplesse dans la répartition et à revaloriser la rémunération associée. Les pharmaciens, particulièrement dans les zones rurales ou à faible densité d’officines, se trouvent souvent en première ligne pour exprimer leur épuisement et leur besoin de soutien. Il n’est donc pas surprenant que cette large majorité de titulaires voit d’un bon œil les initiatives visant à alléger leur charge et à améliorer les conditions de travail durant ces gardes.

Les priorités des pharmaciens pour la réforme des gardes : rémunération et clarifications en tête

  • Parmi les aspects de la réforme jugés prioritaires par les pharmaciens, la révision de la rémunération occupe la première place, avec 68 % des répondants estimant que cette question doit être adressée en priorité. Cette préoccupation, largement partagée, illustre le décalage perçu entre la charge de travail liée aux gardes et la compensation financière actuellement allouée. Les pharmaciens, notamment ceux situés en zones rurales ou faiblement dotées en officines, soulignent l’effort important consenti pour assurer ces gardes nocturnes sans que la rémunération ne reflète véritablement la pénibilité de cette tâche.
  • La révision des demandes à devoir accepter ou refuser, avec 58 % des voix, apparaît comme le deuxième enjeu majeur. Les pharmaciens souhaitent une clarification des interventions nocturnes jugées pertinentes. Trop souvent, ils rapportent être sollicités pour des demandes non urgentes, ce qui contribue à une charge de travail supplémentaire et à un sentiment de frustration face à des sollicitations parfois déraisonnables en pleine nuit.
  • La question de la sécurité pendant les gardes de nuit, citée par 42 % des répondants, reflète un enjeu de plus en plus important dans certaines zones sensibles. Les pharmaciens font face à des risques accrus, notamment des situations d’agressivité ou d’incivilité. Des mesures de protection renforcée ou une meilleure coordination avec les autorités locales pourraient apaiser ces inquiétudes.
  • Enfin, une répartition plus équitable des gardes, mentionnée par 18 % des pharmaciens, montre que certains titulaires souhaiteraient une refonte du système actuel pour éviter qu’un nombre restreint de pharmacies ne soit systématiquement sollicité. Ce point rejoint les préoccupations de surcharge exprimées par ceux qui se trouvent dans des zones à faible densité officinale, où les rotations de garde sont moins nombreuses et plus contraignantes.

Un honoraire “nuit profonde” plébiscité par 86 % des pharmaciens pour compenser les gardes tardives.

L’un des sujets les plus discutés dans le cadre de la réforme des gardes est la création d’un honoraire “nuit profonde”, destiné à mieux compenser les pharmacies qui assurent des ouvertures entre minuit et 8h du matin. Le sondage montre que cette mesure fait l’objet d’un large consensus : 86 % des pharmaciens interrogés se disent favorables à cette proposition.

Cet honoraire supplémentaire permettrait de reconnaître l’effort fourni par les pharmaciens durant une période où les sollicitations sont souvent plus complexes à gérer, tant en termes d’urgences que de sécurité. De plus, ces horaires nocturnes impliquent des contraintes spécifiques, notamment des interventions pour des pathologies nécessitant une réponse rapide ou pour des prescriptions d’urgence après une sortie d’hôpital.

Les 14 % restants se répartissent entre ceux qui n’ont pas d’opinion tranchée et une minorité s’y opposant. Ces derniers pourraient estimer que la mise en place d’un tel honoraire risque de complexifier encore la gestion administrative des gardes, ou que cette mesure ne résoudra pas les problématiques structurelles plus larges, comme la répartition inéquitable des gardes ou la gestion des urgences nocturnes non justifiées.

Quoi qu’il en soit, la demande d’un honoraire pour les horaires nocturnes les plus contraignants apparaît comme une revendication majeure des pharmaciens, qui espèrent ainsi voir une revalorisation de leurs efforts nocturnes, tout en répondant aux besoins de leurs patients.

Minuit plébiscité comme heure de fin idéale des gardes de nuit par 62 % des pharmaciens

La question de l’horaire de fin des gardes de nuit suscite des avis contrastés parmi les pharmaciens titulaires, bien que certains consensus émergent. D’après les résultats du sondage, 62 % des pharmaciens estiment que minuit serait l’heure optimale pour terminer une garde de nuit dans leur secteur. Cette préférence montre la volonté des pharmaciens de limiter les ouvertures tardives, considérées comme particulièrement contraignantes en raison du faible nombre de véritables urgences après cette heure.

Cependant, 12 % des répondants préfèrent fixer la fin de garde à 2 heures du matin, probablement pour répondre aux urgences médicales qui peuvent survenir après minuit, sans pour autant imposer une garde qui s’étend sur toute la nuit.

Un groupe minoritaire mais non négligeable de pharmaciens, représentant 10 %, estime que la fin de la garde devrait coïncider avec le début de la journée à 8 heures du matin, tandis que 8 % optent pour une clôture à 6 heures du matin, juste avant l’ouverture standard de la pharmacie.

Ces divergences témoignent des réalités variées selon les secteurs d’activité. Dans les zones rurales ou faiblement peuplées, les gardes après minuit sont souvent perçues comme peu utiles en raison d’une demande limitée. À l’inverse, dans les zones urbaines plus dynamiques, certaines pharmacies peuvent considérer qu’une extension des horaires jusqu’au petit matin est nécessaire pour couvrir les besoins des patients.

Priorisation des urgences : 90 % des pharmaciens placent les médicaments pour douleurs aiguës en tête des demandes nocturnes

La gestion des demandes pendant une garde de nuit est un autre sujet de préoccupation pour les pharmaciens, qui souhaitent une hiérarchisation claire des priorités. Les résultats du sondage montrent que 90 % des pharmaciens considèrent que les médicaments pour douleurs aiguës, tels que les antalgiques ou les antibiotiques, devraient être traités en priorité. Ces demandes concernent des situations où l’intervention rapide est essentielle pour soulager des symptômes immédiats et souvent intenses.

De plus, 72 % des répondants estiment que les médicaments vitaux, comme l’insuline ou les traitements pour les maladies cardiaques, devraient également être considérés comme des priorités lors des gardes de nuit. Ces médicaments répondent à des besoins urgents pour les patients souffrant de pathologies chroniques qui nécessitent une attention continue et immédiate.

En revanche, seuls 2 % des pharmaciens pensent que toutes les demandes, sans distinction, devraient être traitées avec la même importance. Cette faible proportion témoigne du désir de prioriser les véritables urgences médicales, afin d’éviter que des demandes non essentielles n’alourdissent la charge de travail en pleine nuit.

Enfin, la gestion des produits de première nécessité non médicaux, tels que les tire-tiques ou les tétines, est perçue comme une priorité marginale. Cela reflète une volonté de se concentrer sur les interventions strictement médicales, laissant les produits moins urgents à des horaires standards.

Ces résultats montrent clairement que les pharmaciens souhaitent recentrer les gardes de nuit sur les urgences médicales réelles, afin de mieux répondre aux besoins critiques des patients tout en réduisant les interventions pour des demandes non prioritaires.

94 % des pharmaciens souhaitent limiter les demandes non urgentes durant les gardes de nuit

La question de la gestion des demandes non urgentes pendant les gardes de nuit fait l’objet d’un large consensus parmi les pharmaciens. Selon le sondage, 94 % des pharmaciens titulaires estiment que certaines demandes, comme l’achat de produits parapharmaceutiques, devraient être refusées durant ces périodes. Cette position montre une volonté forte de recentrer les gardes sur les véritables urgences médicales et de limiter les interruptions pour des achats jugés non prioritaires.

Seuls 6 % des pharmaciens s’opposent à ce refus, peut-être en raison d’une perception plus flexible du service offert durant les gardes ou pour maintenir une disponibilité complète en cas de nécessité imprévue. Toutefois, la grande majorité préfère réserver les services nocturnes aux situations critiques.

Ce résultat met en lumière l’importance de clarifier les types de demandes qui devraient être priorisées pendant les gardes, afin d’alléger la charge mentale des pharmaciens tout en garantissant une réponse adéquate aux véritables urgences.

Filtrage des demandes : une solution plébiscitée par les pharmaciens

Selon le sondage, 94 % des pharmaciens titulaires se disent favorables à l’idée de mettre en place un filtrage préalable des demandes, par exemple via la gendarmerie, pour éviter les ouvertures non nécessaires durant les gardes de nuit. Ce soutien massif à cette mesure montre que les pharmaciens souhaitent déléguer la responsabilité de tri des demandes afin de réduire la surcharge liée à des interventions non urgentes.

Cette proposition est particulièrement bienvenue dans les zones où les demandes nocturnes non médicales sont fréquentes, avec des patients sollicitant les pharmacies pour des produits de confort ou des médicaments non urgents. Ce filtrage permettrait de protéger les pharmaciens et de garantir que les gardes soient vraiment consacrées aux urgences médicales.

Qu’est-ce qui doit déterminer l’urgence d’une demande en garde ?

Le sondage révèle que 82 % des pharmaciens estiment que l’urgence d’une demande en garde devrait être déterminée par une prescription médicale datée du jour même. Cela permettrait de s’assurer que les demandes sont justifiées par une consultation récente et un besoin immédiat de médicaments. À cela s’ajoute la gravité immédiate du besoin médical, citée par 74 % des répondants, qui considère que les situations médicales graves devraient primer, même sans prescription récente.

En revanche, 16 % des pharmaciens interrogés pensent que l’urgence devrait être laissée à la discrétion du pharmacien sur place, permettant ainsi une évaluation plus souple des situations selon le contexte et la nature de la demande. Cette position minoritaire souligne toutefois la nécessité de critères plus objectifs pour garantir une gestion équitable et uniforme des urgences.

Limiter les demandes non urgentes : vers une liste officielle de produits ?

Une large majorité de 84 % des pharmaciens soutient l’idée de définir une liste officielle de produits et médicamentspouvant être délivrés pendant les gardes de nuit, afin de limiter les demandes non urgentes. Cette mesure viserait à encadrer plus strictement ce qui peut être délivré en dehors des horaires habituels, recentrant les interventions sur les véritables urgences médicales.

Les pharmaciens espèrent qu’une telle liste permettrait de simplifier la gestion des gardes et d’éviter que des produits de confort ou non vitaux soient demandés en pleine nuit. Ce cadre officiel clarifierait également les attentes des patients, réduisant ainsi les malentendus ou frustrations liés aux refus de certaines demandes.