Gardes de nuit : un sondage exclusif révèle les attentes et frustrations des pharmaciens
Les gardes de nuit, véritable pilier de la continuité des soins pharmaceutiques, suscitent des sentiments mitigés chez les pharmaciens titulaires. Une enquête exclusive pour Pharma365* a permis de recueillir les avis de pharmaciens à propos de leurs expériences des gardes nocturnes. Ce sondage met en lumière les défis liés à cette mission et les pistes de réflexion pour améliorer les conditions de travail des professionnels concernés.
Les gardes de nuit en pharmacie soulèvent des enjeux majeurs pour les pharmaciens titulaires, tant en termes de rémunération que d’organisation. Un sondage réalisé auprès de 50 pharmaciens révèle une volonté unanime de réformer le système, afin de mieux valoriser cette mission souvent perçue comme éprouvante. Entre demandes de priorisation des urgences, filtrage des interventions non nécessaires et propositions de revalorisation des horaires tardifs, l’enquête dresse un portrait fidèle des attentes et des frustrations des professionnels de santé en première ligne.
Une réforme des gardes de nuit plébiscitée par 86 % des pharmaciens.
Le débat sur les gardes officinales, particulièrement la nuit, reste un sujet brûlant pour les pharmaciens titulaires. Selon les résultats du sondage, 86 % des pharmaciens sont favorables à une réforme des gardes en cours de discussion. Cette majorité reflète un contexte où la pression sur les pharmaciens s’intensifie, en raison de la surcharge de travail, du manque de reconnaissance et d’indemnisations insuffisantes.
La réforme envisagée viserait à introduire plus de flexibilité dans l’organisation des gardes et à revaloriser leur rémunération. Ce besoin est particulièrement criant dans les zones rurales ou peu dotées en officines, où les pharmaciens se retrouvent souvent en première ligne, exprimant fatigue et besoin de soutien.
Rémunération et clarification des demandes : les priorités des pharmaciens.
Le premier point de tension identifié est la rémunération des gardes nocturnes. En effet, 68 % des pharmaciens estiment que cette question doit être prioritaire dans la réforme. La compensation actuelle ne reflète pas l’effort consenti, notamment dans les zones rurales, où les gardes sont perçues comme plus pénibles.
Autre point de friction : la nécessité de clarifier les interventions jugées urgentes. 58 % des pharmaciens souhaitent une meilleure définition des demandes à accepter ou à refuser. Ils déplorent être régulièrement sollicités pour des cas non urgents, ce qui alourdit leur charge de travail en pleine nuit.
Enfin, la sécurité des pharmaciens pendant les gardes reste une préoccupation majeure pour 42 % des répondants, surtout dans les zones sensibles. Des mesures de protection renforcée sont réclamées, ainsi qu’une meilleure coordination avec les autorités locales.
Honoraire “nuit profonde” : une revendication partagée par 86 % des pharmaciens.
Un des aspects les plus discutés de la réforme concerne la création d’un honoraire spécifique pour les gardes réalisées entre minuit et 8h du matin. Cette mesure reçoit un soutien massif de 86 % des pharmaciens interrogés. Elle permettrait de mieux valoriser les pharmacies assurant ces horaires, souvent marqués par des interventions plus complexes et des conditions de travail plus difficiles.
Les pharmaciens favorables à cette mesure estiment qu’elle permettrait une reconnaissance plus juste des efforts fournis, tout en répondant aux véritables urgences médicales nocturnes.
Le sondage révèle que 62 % des pharmaciens considèrent minuit comme l’heure optimale pour terminer les gardes de nuit. Cette préférence reflète le désir de limiter les ouvertures tardives, souvent perçues comme peu utiles, car les véritables urgences sont moins fréquentes après minuit.
Cependant, 12 % des répondants préfèrent que la garde se termine à 2 heures du matin, pour couvrir les besoins médicaux nocturnes. Un petit groupe de 10 % de pharmaciens opte pour une fin de garde à 8 heures, estimant que cela permettrait de mieux répondre aux urgences matinales.
Urgences médicales : priorité aux médicaments contre les douleurs aiguës.
Lors des gardes de nuit, la gestion des urgences médicales est un autre enjeu important. 90 % des pharmaciens placent les médicaments pour les douleurs aiguës, comme les antalgiques et les antibiotiques, en tête des priorités. Ces situations nécessitent une réponse rapide pour soulager des symptômes immédiats et souvent intenses.
En second lieu, 72 % des pharmaciens estiment que les médicaments vitaux, comme l’insuline ou les traitements cardiaques, doivent être considérés comme urgents. Ces traitements répondent à des besoins immédiats pour les patients souffrant de pathologies chroniques.
94 % des pharmaciens souhaitent limiter les demandes non urgentes durant les gardes de nuit.
Le sondage montre un large consensus sur la gestion des demandes non urgentes : 94 % des pharmaciens souhaitent pouvoir refuser des sollicitations pour des produits parapharmaceutiques ou non prioritaires pendant les gardes nocturnes. Seules 6 % des personnes interrogées pensent qu’il est important de maintenir une disponibilité complète, même pour des achats non urgents.
Cette position majoritaire traduit la volonté des pharmaciens de se recentrer sur les urgences médicales pendant les gardes, tout en évitant les interruptions inutiles.
Filtrage des demandes : une solution largement approuvée.
Pour éviter des ouvertures de pharmacies non justifiées pendant les gardes de nuit, 94 % des pharmaciens se disent favorables à un système de filtrage, via la gendarmerie par exemple. Cette mesure permettrait de réduire la surcharge liée aux interventions non urgentes, en garantissant que seuls les besoins médicaux immédiats soient pris en charge.
Qu’est-ce qui doit déterminer l’urgence d’une demande en garde ?
Le sondage révèle que 82 % des pharmaciens estiment que l’urgence d’une demande en garde devrait être déterminée par une prescription médicale datée du jour même. Cela permettrait de s’assurer que les demandes sont justifiées par une consultation récente et un besoin immédiat de médicaments. À cela s’ajoute la gravité immédiate du besoin médical, citée par 74 % des répondants, qui considère que les situations médicales graves devraient primer, même sans prescription récente.
En revanche, 16 % des pharmaciens interrogés pensent que l’urgence devrait être laissée à la discrétion du pharmacien sur place, permettant ainsi une évaluation plus souple des situations selon le contexte et la nature de la demande. Cette position minoritaire souligne toutefois la nécessité de critères plus objectifs pour garantir une gestion équitable et uniforme des urgences.
Vers une liste officielle de produits autorisés pendant les gardes ?
Enfin, 84 % des pharmaciens soutiennent l’idée de définir une liste officielle des produits pouvant être délivrés durant les gardes nocturnes. Cela permettrait de limiter les demandes non urgentes et de simplifier la gestion des gardes, tout en clarifiant les attentes des patients.
*Enquète menée du 3 au 10 octobre 2024 réalisée par Pharmed’Insight pour Pharma365 avec 50 pharmaciens titulaires