Le coût de la rentrée des étudiants en pharmacie : une précarité grandissante et des défis multiples

L'année universitaire 2024-2025 s'annonce particulièrement difficile pour les étudiants en pharmacie en France. L'Association Nationale des Étudiants en Pharmacie de France (ANEPF) a publié un dossier détaillant les coûts associés à la rentrée universitaire, soulignant une augmentation significative des dépenses et une précarité croissante qui pèse lourdement sur ces futurs professionnels de santé. Décryptage.

Par Thomas Kassab, publié le 04 septembre 2024

Le coût de la rentrée des étudiants en pharmacie : une précarité grandissante et des défis multiples

Une augmentation continue des frais d’inscription

Les frais d’inscription à l’université constituent la première charge financière pour les étudiants. En 2024, les frais de licence en deuxième année de pharmacie (DFGSP2) ont augmenté de 2,94 %, passant de 170 € à 175 €. Pour les étudiants en master, notamment ceux préparant le concours de l’internat en cinquième année (DFASP2), les frais sont passés de 240 € à 250 €, soit une hausse de 1,03 %. À cela s’ajoute la Contribution de Vie Étudiante et de Campus (CVEC), qui a également été réévaluée de 3 %, atteignant 103 €. Cette augmentation, bien que modérée, s’accumule avec d’autres dépenses, formant un obstacle supplémentaire pour de nombreux étudiants non boursiers.

Selon une étude de l’Observatoire de la Vie Étudiante (OVE), ces augmentations s’inscrivent dans une tendance générale où les frais de scolarité dans l’enseignement supérieur français ont subi une inflation moyenne de 3 % par an depuis 2017. Cette réalité est encore plus pesante pour les étudiants internationaux, qui doivent parfois faire face à des frais d’inscription cinq à dix fois plus élevés, selon une enquête de Campus France.

Matériel pédagogique : des coûts spécifiques en hausse

Les études en pharmacie nécessitent l’acquisition de matériel pédagogique spécifique, indispensable à la formation pratique des étudiants. Cette année, le coût total du matériel pour les travaux pratiques a bondi de 23,33 %, passant de 76,69 € à 94,58 €. Ce matériel comprend notamment la blouse de laboratoire, les lunettes de protection, ainsi que les supports pédagogiques tels que les polycopiés et les cahiers de laboratoire. Ces dépenses sont incontournables pour les étudiants, sous peine de se voir refuser l’accès aux travaux pratiques, essentiels à leur formation.

Cette augmentation reflète une tendance observée dans d’autres filières scientifiques. Par exemple, une autre enquête menée par l’UNEF en 2023 a révélé que les étudiants en médecine de première année dépensent en moyenne 150 € pour le matériel pédagogique nécessaire aux travaux pratiques, soit une hausse de près de 20 % par rapport à l’année précédente. Cette explosion des coûts est souvent justifiée par l’amélioration des équipements et l’augmentation des prix des matières premières, mais elle constitue néanmoins un obstacle supplémentaire pour les étudiants, particulièrement ceux issus de milieux modestes.

La préparation au concours de l’internat : une épreuve coûteuse

Le concours de l’internat de pharmacie est une étape cruciale pour les étudiants souhaitant se spécialiser dans la pharmacie hospitalière. Les coûts associés à cette préparation sont élevés et augmentent chaque année. En 2024, ces frais ont atteint en moyenne 731,16€, soit une hausse de 11,23 % par rapport à l’année précédente. Cette somme englobe les adhésions aux associations de préparation, les livres spécifiques, ainsi que les frais de logement et de transport pour se rendre à Paris, où le concours a lieu.

Ce phénomène n’est pas isolé. Un rapport publié par l’Association des Internes en Médecine (ISNI) indique que les dépenses liées à la préparation des concours d’internat en médecine sont également en forte hausse, atteignant parfois 1 000€ par étudiant. Ces dépenses incluent des frais similaires, comme les déplacements, l’hébergement et l’achat de matériel spécifique, créant une barrière financière non négligeable pour de nombreux candidats.

Logement et vie courante : un fardeau économique

En parallèle des frais spécifiques aux études, les étudiants en pharmacie doivent également faire face à des dépenses de vie courante qui ne cessent de croître. Les loyers et charges ont augmenté de 2,85% cette année, avec un coût moyen national de 575,90€ pour un studio. Par ailleurs, les étudiants doivent souvent souscrire à une assurance logement, dont le coût moyen a également grimpé de 9,9%, atteignant 82,41€. Ces hausses, bien qu’apparemment modestes, s’ajoutent à d’autres dépenses courantes comme l’alimentation, les transports ou encore les loisirs, rendant la gestion du budget de plus en plus difficile.

L’inflation des coûts de logement n’est pas une spécificité des étudiants en pharmacie. Une enquête réalisée par le réseau LocService en 2023 a montré que le loyer moyen pour un studio dans une grande ville universitaire française a augmenté de 3,2 % par rapport à l’année précédente, atteignant 613€. Cette augmentation est largement imputable à la tension sur le marché locatif dans les grandes agglomérations, où la demande excède largement l’offre.

Santé mentale et précarité : un cercle vicieux

La précarité financière croissante a des répercussions directes sur la santé mentale des étudiants en pharmacie. Le dossier de l’ANEPF met en lumière une situation alarmante : entre 2019 et 2023, le nombre de jeunes étudiants sous antidépresseurs a augmenté de 60 %, et celui sous psychotropes de 18 %. Les étudiants, sous la pression financière et académique, sont de plus en plus nombreux à renoncer aux soins de santé, faute de moyens. Cette situation est aggravée par une augmentation des coûts des mutuelles étudiantes, qui s’élèvent désormais à 330 €, soit une hausse de 2,23 % par rapport à l’année précédente.

Les résultats d’une étude de la Fondation FondaMental corroborent ces constats. Selon l’enquête menée en 2023, près de 30 % des étudiants français présentent des symptômes dépressifs, un chiffre en hausse par rapport à 2020. Les raisons invoquées incluent les difficultés financières, l’isolement social, et les incertitudes liées à l’avenir professionnel. Ces chiffres sont particulièrement préoccupants dans un contexte où l’accès aux soins psychologiques reste limité, notamment en raison des coûts élevés et du manque de structures adaptées.

Les associations étudiantes en pharmacie : un rempart essentiel contre la précarité

Face à la précarité croissante, les associations étudiantes en pharmacie jouent un rôle crucial pour soutenir leurs camarades en difficulté. Ces associations, présentes dans les principales villes universitaires telles que Tours, Lille, Strasbourg et Toulouse, mettent en place des initiatives concrètes pour alléger le fardeau financier des étudiants. Parmi les actions les plus significatives, on retrouve la vente de paniers repas équilibrés à bas prix. Ces paniers, composés de produits sains et locaux, permettent aux étudiants de s’alimenter correctement sans exploser leur budget. C’est une aide précieuse, particulièrement dans un contexte où de nombreux étudiants doivent parfois sauter des repas faute de moyens suffisants.

Un exemple frappant de l’engagement des associations étudiantes est celui de l’Association des Étudiants en Pharmacie d’Amiens (AEPA). Pour répondre aux besoins de leurs membres, l’AEPA a distribué des “boîtes solidaires” contenant du matériel scolaire, des articles de loisirs, et des chaufferettes pour affronter les mois d’hiver. Cette initiative est d’autant plus notable qu’elle permet aux étudiants de bénéficier de ces produits essentiels à un coût largement réduit par rapport aux prix du marché. En effet, grâce à l’implication de l’AEPA, les étudiants d’Amiens ont pu économiser jusqu’à 46,35 % sur ces articles, un chiffre qui illustre l’impact direct et positif de ces actions sur le quotidien des étudiants.

Ces initiatives locales sont des bouffées d’oxygène pour de nombreux étudiants qui, sans ce soutien, pourraient se retrouver dans des situations de grande précarité. Elles montrent également l’importance du tissu associatif étudiant, qui, au-delà de l’aide matérielle, contribue à créer une solidarité indispensable au sein de la communauté universitaire. En agissant ainsi, ces associations deviennent de véritables remparts contre la précarité étudiante, permettant à chacun de poursuivre ses études dans des conditions plus dignes.

L’engagement des associations comme l’AEPA prouve qu’avec un peu de solidarité et d’organisation, il est possible de faire une réelle différence dans la vie des étudiants. Mais cette action ne peut se substituer à une politique publique ambitieuse. Il est essentiel que les pouvoirs publics reconnaissent et soutiennent ces initiatives, tout en mettant en place des mesures structurelles pour lutter contre la précarité étudiante de manière durable.

Vers un soutien accru des institutions

L’analyse du coût de la rentrée universitaire pour les étudiants en pharmacie montre une précarité croissante qui menace leur bien-être et leur avenir professionnel. Les augmentations continues des frais, qu’ils soient liés aux études ou à la vie courante, posent un défi majeur pour ces étudiants, dont beaucoup doivent concilier études exigeantes et travail à temps partiel pour joindre les deux bouts.

L’ANEPF appelle les institutions, notamment les universités et les pouvoirs publics, à prendre des mesures concrètes pour alléger le fardeau financier des étudiants. Parmi les demandes, on retrouve la suppression de l’indexation de la CVEC sur l’inflation, le retour du ticket RU à 1€ pour tous les étudiants, et la création d’indemnités pour les stages en milieu rural. Ces actions sont indispensables pour garantir à ces futurs professionnels de santé les conditions nécessaires à leur formation, afin qu’ils puissent demain prendre soin de la santé de la population française.