Renouvellement exceptionnel : les médecins boudent, les pharmaciens prennent la main

Depuis la fin novembre 2024, un décret permet aux pharmaciens de renouveler, à titre exceptionnel, les traitements chroniques jusqu’à trois mois, mois par mois, lorsqu’une ordonnance renouvelable est expirée. Une mesure saluée comme une avancée au comptoir, mais qui fait tousser certains médecins – à commencer par leur Ordre national.

Par Thomas Kassab, publié le 07 janvier 2025

Renouvellement exceptionnel : les médecins boudent, les pharmaciens prennent la main

Quand l’Ordre des médecins joue les puristes

Le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) n’a pas tardé à dégainer un communiqué au ton glacial. Selon lui, « le pharmacien intervient en dehors du cadre d’une équipe de soins coordonnés par le médecin et de tout protocole organisationnel ». Traduction : cette dispensation exceptionnelle ne serait pas un acte de collaboration, mais un « solo » du pharmacien. Et tant qu’à faire, le CNOM enfonce le clou : toute responsabilité incombe au pharmacien, même si ce dernier informe le médecin a posteriori.

Une question de sémantique ou de territoire ?

L’Ordre des médecins, grand amoureux des mots, s’offusque du terme « renouvellement ». Selon lui, cette expression relève de la compétence médicale, puisqu’elle implique une réévaluation de l’état de santé du patient. L’Ordre des pharmaciens, lui, préfère parler de « dispensation supplémentaire exceptionnelle », un acte purement technique où le pharmacien ne modifie rien au traitement.

Derrière ce duel lexical, une réalité évidente : les médecins n’apprécient guère que les pharmaciens empiètent sur ce qu’ils considèrent comme leur pré carré. Pourtant, ce renouvellement a été inscrit dans la loi Rist pour répondre à une problématique bien réelle : les déserts médicaux et l’incapacité de nombreux patients à obtenir rapidement un rendez-vous.

Continuité des soins ou guerre des egos ?

Le pharmacien, bien souvent dernier rempart avant l’interruption d’un traitement chronique, joue ici un rôle clé pour éviter des conséquences graves pour le patient. Mais au lieu de saluer cette initiative, le CNOM choisit de tirer la sonnette d’alarme, demandant aux pouvoirs publics de s’assurer que la mesure reste « exceptionnelle ». Une manière élégante de rappeler que la médecine est, à leurs yeux, le véritable « capitaine du navire ».

Et les patients dans tout ça ?

Perdus entre querelles de vocabulaire et luttes de pouvoir, les patients risquent de se demander où se situe leur intérêt. Car si les médecins préfèrent souligner les risques légaux, les pharmaciens, eux, se retroussent les manches pour garantir la continuité des traitements. Une réalité que les patients, confrontés à des rendez-vous médicaux dans six mois, apprécieront sûrement davantage que les subtilités des responsabilités juridiques.