Vente de la section Doliprane de Sanofi : quel enjeux économiques pour l’officine ?

Sanofi a récemment annoncé la vente de sa division santé grand public, Opella, au fonds américain Clayton, Dubilier & Rice (CD&R) pour un montant estimé à 15 milliards d'euros. Cette transaction, qui concerne des marques emblématiques comme le Doliprane, suscite des inquiétudes quant à l'avenir de l'approvisionnement et des prix de ce médicament phare en France. Alors que le gouvernement français exige que la production reste sur le territoire national, cette vente pose la question d'une financiarisation accrue des produits de santé grand public, avec des implications majeures pour les pharmacies d'officine.

Par Thomas Kassab, publié le 20 octobre 2024

Vente de la section Doliprane de Sanofi : quel enjeux économiques pour l’officine ?

Le géant pharmaceutique français Sanofi est actuellement en négociations avancées pour vendre une participation majoritaire dans sa division santé grand public, Opella, à la société de capital-investissement américaine Clayton, Dubilier & Rice (CD&R). Cette transaction, estimée à environ 15 milliards d’euros, concerne des marques emblématiques comme Doliprane, mais aussi Maalox, Lysopaïne et Dulcolax. Ce mouvement stratégique soulève de nombreuses questions pour les pharmaciens d’officine, qui dépendent de ces produits pour répondre aux besoins courants des patients.

Un choix stratégique pour Sanofi

Sanofi justifie cette vente comme partie intégrante de sa réorientation vers les biotechnologies et les médicaments innovants, notamment dans les domaines de l’oncologie et de l’immunologie. En se séparant d’une partie de son portefeuille dédié à l’automédication, le groupe cherche à se recentrer sur des segments de marché à plus forte valeur ajoutée. Cette décision, bien que justifiable sur le plan stratégique pour une multinationale en quête d’innovation, risque de bouleverser le modèle d’approvisionnement des pharmacies françaises.

Des risques pour les prix et l’approvisionnement

Un point de vigilance majeur réside dans le potentiel impact de cette vente sur les prix. Opella a réalisé un chiffre d’affaires de 5,2 milliards d’euros en 2023, et le Doliprane, leader sur le marché du paracétamol en France, fait partie des produits les plus vendus dans les pharmacies. Si CD&R, un fonds d’investissement américain, devient propriétaire de cette marque, il pourrait adopter des stratégies tarifaires plus agressives. Avec une régulation des prix moins stricte aux États-Unis qu’en France, la crainte est que les coûts de certains médicaments, comme le Doliprane, puissent augmenter pour les consommateurs français.

Le ministre français de l’Industrie, Marc Ferracci, a rapidement réagi, exigeant que la production du Doliprane reste en France pour assurer l’approvisionnement et maintenir les emplois. Cependant, cette garantie pourrait ne pas suffire à apaiser les inquiétudes des pharmaciens, qui craignent une mainmise étrangère sur un produit aussi emblématique du paysage de l’automédication française​.

Un modèle en danger pour les pharmacies ?

Cette vente illustre également une tendance inquiétante : la financiarisation croissante des produits de santé courants. En vendant une participation majoritaire à un fonds de capital-investissement, Sanofi expose ces produits à des décisions purement financières, éloignées des considérations sanitaires françaises. Cela pourrait nuire à l’indépendance des pharmaciens dans leur rôle de conseil et de distribution de médicaments essentiels.

En définitive, cette transaction marque une étape dans la transformation du modèle industriel de Sanofi, avec des conséquences potentiellement lourdes pour les pharmacies françaises. Il est essentiel que les pharmaciens et les autorités de régulation restent vigilants pour que cette décision stratégique ne se traduise pas par une déstabilisation du marché des médicaments en France.

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