La profession face à un tournant : la fermeture des officines se poursuit en France
Les derniers chiffres publiés par GERS DATA et GERS GIE confirment une tendance inquiétante : depuis dix ans, la France a perdu plus de 10 % de ses officines, soit l’équivalent de plus d’une fermeture par jour ouvrable prévue dès 2024. Loin d’être anecdotique, cette érosion progressive du réseau pharmaceutique soulève de nombreuses interrogations quant à l’avenir du métier et aux enjeux de santé publique.

Un constat chiffré : la décroissance s’accélère
D’après les données compilées par GERS DATA et GERS GIE, on comptait plus de 22 000 officines en 2014. Aujourd’hui, la barre se situe autour de 20 000, avec une tendance à la baisse qui ne faiblit pas. Selon le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, environ 200 à 300 pharmacies ferment chaque année, un rythme qui pourrait s’accélérer à plus d’une fermeture par jour ouvrable d’ici 2024.
Cette situation n’est pas propre aux grandes métropoles : en milieu rural, le phénomène est encore plus marqué, car la désertification médicale s’accompagne souvent d’un manque de repreneurs et d’une fréquentation réduite. Résultat : certaines communes se retrouvent privées de pharmacie, alors même que ces dernières jouent un rôle de premier plan dans l’accès aux soins de proximité.
Les facteurs en cause : pression économique et nouvelles habitudes
-
Pression sur les marges
La rémunération des pharmaciens est soumise à d’importantes contraintes, notamment la baisse du prix des médicaments remboursables et la complexité de la politique de santé publique visant à maîtriser les dépenses. La diminution des marges sur les médicaments princeps et les génériques rend plus difficile la pérennité économique des officines, en particulier celles de petite taille. -
Évolution des comportements de santé
Les Français ont de plus en plus recours aux médicaments génériques et s’habituent à la vente en ligne, même si la part de marché des e-pharmacies reste encore limitée. Par ailleurs, l’automédication progresse et incite certains patients à s’orienter vers des parapharmacies ou des sites de vente en ligne de compléments alimentaires. -
Concentration du marché
Les groupements de pharmacies et les grandes officines des zones urbaines tendent à s’imposer au détriment des petites structures isolées. Cette concentration facilite parfois la mutualisation des coûts (achats groupés, communication, etc.), mais renforce la pression concurrentielle pour les pharmaciens indépendants.
Les conséquences pour la santé publique
La fermeture d’officines a un impact direct sur l’accessibilité aux soins de première ligne. Le pharmacien joue un rôle fondamental dans le conseil, l’éducation thérapeutique et l’orientation des patients, en particulier dans les zones où les médecins généralistes se font rares. La raréfaction des officines peut aussi engendrer un surcroît d’activité pour les pharmacies restantes, qui peinent parfois à absorber ce flux de patients supplémentaires, avec le risque de délais plus longs et de moindre disponibilité pour le conseil personnalisé.
En parallèle, les pharmaciens sont de plus en plus sollicités pour de nouvelles missions, comme la vaccination, le dépistage de certaines pathologies (angine, cystite, …) ou l’accompagnement des patients atteints de maladies chroniques. Cette extension des compétences constitue une opportunité de diversification, mais elle demande aussi des ressources supplémentaires (formations, équipements, etc.).
Des pistes de solutions pour enrayer la chute
-
Diversifier l’offre de services : l’installation d’espaces de téléconsultation, la mise en place d’entretiens pharmaceutiques ou de dispositifs de suivi des patients (comme les bilans de médication) peuvent renforcer le rôle clé du pharmacien et générer de nouvelles sources de revenus.
-
Miser sur le numérique : le déploiement d’outils digitaux (click & collect, applications de rappel d’ordonnances) permet d’attirer et de fidéliser une patientèle connectée, tout en simplifiant la gestion de l’officine.
-
Renforcer la coopération interprofessionnelle : des partenariats avec les autres professionnels de santé – médecins généralistes, infirmiers, sages-femmes – peuvent faciliter la prise en charge globale du patient et créer une dynamique locale bénéfique à tous.
Ce qu’il faut retenir
La fermeture progressive des pharmacies en France est le symptôme d’un écosystème sous tension, soumis à des contraintes économiques, démographiques et sociétales. Pourtant, le pharmacien reste un acteur incontournable du parcours de soins, comme l’ont montré les campagnes de vaccination ou la distribution de masques et d’autotests pendant la crise sanitaire. Face à la consolidation du marché et à l’évolution des pratiques de santé, les officines qui sauront innover, se diversifier et s’appuyer sur des partenariats locaux pourront non seulement survivre, mais aussi renforcer leur rôle de pilier de la santé de proximité.