Quels médicaments pour demain ?

Face à l'escalade des coûts et à la pression pour innover, les grands laboratoires pharmaceutiques redéfinissent leur stratégie R&D. Entre intelligence artificielle et partenariats, ils s'adaptent pour rester compétitifs. Malgré une concentration notable des efforts sur l'oncologie, l'adéquation particulièrement hétérogène du portefeuille de candidats-médicaments avec les principaux enjeux sanitaires préfigure de nombreuses opportunités de se différencier pour les acteurs de la santé.

Par Hélène Sagnes, directrice du pôle pharmacie & santé, Les Echos Études, publié le 03 mai 2024

Quels médicaments pour demain ?

De la R&D entièrement internalisée il y a quelques décennies, à l’intégration de l’intelligence artificielle dans les processus d’innovation aujourd’hui, en passant par le rachat de biotechs, les partenariats et l’incubation de start-up, les stratégies et tactiques d’innovation des grands laboratoires pharmaceutiques ne cessent d’évoluer, avec malgré tout un objectif constant : optimiser les activités de R&D. Et pour cause : en 10 ans, le coût moyen de développement d’un actif a augmenté de 76 %, sa durée moyenne de 15 %, sans compter les baisses de revenus liées à la chute des brevets dans le domaine public. L’industrie pharmaceutique poursuit donc sa raison d’être : innover. Mais pas à n’importe quel prix !

L’oncologie comme dénominateur commun

L’analyse par Les Echos Études du portefeuille de produits en cours de développement par le top 20 de l’industrie pharmaceutique mondiale* révèle des stratégies très variées. La part du chiffre d’affaires allouée à la R&D est très hétérogène. Si Merck y consacre le plus d’efforts (avec 41 % de son chiffre d’affaires), les entreprises dépensent en moyenne 22 % de leurs revenus. Onze principales aires thérapeutiques sont adressées par les quelque 1 500 traitements actuellement en développement clinique ou en examen réglementaire. Un grand vainqueur, sans surprise : la cancérologie, qui représente 42 % des molécules, devant les maladies hématologiques et lymphatiques, puis les pathologies infectieuses. Un dénominateur commun à la grande majorité des acteurs de ce top 20. En termes de maladies les plus fréquemment ciblées par ces médicaments, arrive en tête le cancer du poumon, suivi par le cancer du sein, le myélome multiple, le lymphome et le cancer de la prostate.

Une adéquation variable avec les enjeux sanitaires de notre époque

Exception faite des cancers largement investigués par ces acteurs, les principaux enjeux sanitaires mondiaux tels que définis par l’Organisation mondiale de la Santé sont loin d’être systématiquement adressés. Ainsi, les maladies chroniques ischémiques, les affections pulmonaires obstructives chroniques, les infections des voies respiratoires inférieures, la maladie d’Alzheimer ou encore le diabète sont ciblés par une quinzaine de candidats-médicaments maximum. Par ailleurs, certains traitements manquent. C’est le cas des thérapies en cours de développement clinique contre les AVC, les pathologies diarrhéiques ou encore les maladies rénales. La santé de la femme, la santé environnementale, la santé mentale ou encore le vieillissement en bonne santé sont autant de problématiques qui se font par ailleurs de plus en plus prégnantes. Se différencier en développant des médicaments novateurs répondant à des besoins médicaux non satisfaits : voilà le défi partagé par l’ensemble des acteurs, bien au-delà de ceux analysés dans cette étude !