Influenza et stratégie vaccinale en officine
La grippe, cette infection virale saisonnière, frappe chaque année des millions de personnes dans le monde. Trop souvent sous-estimée, elle peut provoquer des complications sévères, voire mortelles, notamment chez les populations à risque. Ignorer sa gravité, c'est sous-évaluer une menace réelle pour la santé publique.
Historique de la découverte de la grippe
L’influenza a été isolé à partir d’échantillons humains et son isolation a été rendue possible grâce à l’utilisation d’œufs embryonnés de poule, un modèle encore utilisé pour la production de vaccins. Cette découverte a permis de comprendre les épidémies récurrentes de grippe, autrefois mal comprises, et a jeté les bases des recherches virologiques modernes.
Focus sur Influenza
Le virus de la grippe appartient à la famille des Orthomyxoviridae, un groupe de virus à ARN segmenté, enveloppé, avec une polarité négative. Il existe trois types de virus de la grippe : Influenza A, B et C, Influenza A étant responsable des pandémies les plus graves en raison de sa capacité à subir des variations antigéniques majeures (dérive et saut antigéniques).
Hémagglutinine (HA)
L’HA est une glycoprotéine trimérique de surface qui assure l’infectivité du virus. Elle permet l’attachement du virion aux récepteurs de l’acide sialique présents sur les cellules épithéliales des voies respiratoires. La liaison de HA induit l’endocytose du virion et la fusion des membranes, un processus indispensable à l’entrée du virus dans la cellule hôte. Les variations de la séquence de HA sont responsables de la variabilité antigénique du virus, rendant les souches virales difficilement reconnaissables par le système immunitaire.
Neuraminidase (NA)
La NA est une enzyme glycosylhydrolase qui clive les résidus d’acide sialique sur les glycoprotéines de surface des cellules infectées. Cette action permet la libération des virions néoformés de la cellule hôte, facilitant ainsi la propagation du virus. Les inhibiteurs de la neuraminidase, comme l’oseltamivir, exploitent cette fonction pour limiter la dissémination virale.
Origine et fonctionnement du vaccin antigrippal
Le développement des vaccins antigrippaux a commencé dans les années 1940 avec les premiers vaccins à virions inactivés, produits par culture sur œufs embryonnés. Ces vaccins ont marqué une avancée majeure dans la lutte contre les pandémies grippales. Aujourd’hui, les vaccins antigrippaux ciblent spécifiquement les glycoprotéines HA et NA. Leur administration déclenche une réponse immunitaire humorale, avec la production d’immunoglobulines neutralisantes qui empêchent le virus de se lier aux cellules hôtes et inhibent la dissémination virale, réduisant ainsi la virulence et la transmission du virus.
Quelles spécialités disponibles ?
En France, plusieurs vaccins antigrippaux quadrivalents sont disponibles chaque année, chacun développé par différents laboratoires pharmaceutiques, et tous ayant démontré une efficacité variable selon les saisons.
- Vaxigrip Tetra® (Sanofi Pasteur) : ce vaccin inactivé quadrivalent, produit par Sanofi Pasteur, protège contre deux souches de type A (H1N1 et H3N2) et deux souches de type B (Yamagata et Victoria).
- Influvac Tetra® (Mylan) : également un vaccin inactivé quadrivalent, Influvac Tetra® est produit par le laboratoire Mylan et cible les mêmes quatre souches grippales.
Le vaccin nasal Fluenz Tetra® (AstraZeneca), autrefois utilisé chez les enfants de 2 à 17 ans, n’est plus commercialisé en France en raison d’un bénéfice clinique jugé inférieur aux vaccins injectables. Quant à Efluelda® (Sanofi Pasteur), un vaccin haute dose destiné aux personnes âgées de 65 ans et plus, sa commercialisation a été abandonnée en France à cause d’un prix imposé par le CEPS inférieur aux coûts de production, rendant l’opération économiquement non viable. Ce vaccin aurait pu offrir une meilleure protection aux personnes âgées, plus vulnérables aux complications de la grippe.
Quand vacciner ?
Le plus tôt possible ! Contrairement aux idées reçues, il n’est pas nécessaire d’attendre le pic épidémique de la grippe pour bénéficier d’une protection optimale. Le vaccin assure une couverture tout au long de la saison grippale, d’autant qu’il faut environ deux semaines pour atteindre un niveau d’immunité suffisant.
Voie IM ou SC ?
L’administration du vaccin antigrippal se fait par voie IM, dans le deltoïde, pour une absorption et une réponse immunitaire optimales. Toutefois, chez les patients sous AC (warfarine, héparine, AOD, …) ou présentant des troubles de la coagulation, la voie SC est préférée pour réduire le risque de saignement ou d’hématome post-injection.
Comment répondre aux idées reçues ?
« Le vaccin peut donner la grippe ! »
Absolument pas ! Les vaccins antigrippaux comme Vaxigrip® et Influvac® contiennent des virus inactivés, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas provoquer la maladie. Ces fragments de virus sont comme des « portraits-robots » : ils donnent au système immunitaire une image du virus pour l’aider à le reconnaître et à s’en défendre, sans pouvoir provoquer une infection.
« Seules les personnes à risque doivent se faire vacciner »
Pas uniquement ! Bien que les personnes âgées, les enfants, et les personnes immunodéprimées soient les plus vulnérables aux complications de la grippe, la vaccination est recommandée pour tous. En se faisant vacciner, chacun contribue à réduire la transmission du virus dans la communauté, protégeant ainsi les personnes à risque et diminuant la propagation de l’épidémie.
Et l’aluminium ?
Les vaccins contre la grippe ne contiennent pas d’adjuvants à base d’aluminium, car les antigènes viraux utilisés, comme les glycoprotéines HA et NA, sont suffisamment immunogènes pour induire une réponse immunitaire robuste sans nécessiter de renforcement supplémentaire. Dans d’autres vaccins, les sels d’aluminium, tels que l’hydroxyde ou le phosphate d’aluminium, servent à renforcer la réponse immunitaire en prolongeant la libération de l’antigène. Ces adjuvants sont utilisés en toute sécurité depuis des décennies. Les doses d’aluminium dans les vaccins sont bien en dessous des seuils de toxicité, même pour les nourrissons, et sont éliminées par voie rénale, ce qui garantit leur innocuité.