« Je voudrais une boîte de ... » : les conseils OTC à prodiguer

À l'officine, rien n'est jamais vraiment anodin. Une question en apparence banale peut révéler une angoisse, un trouble sous-jacent ou un vrai défi de santé. Pour y répondre avec justesse, nous devons allier rigueur scientifique, sens clinique et intelligence relationnelle. En maîtrisant les bons réflexes, chaque conseil devient une opportunité : celle de faire la différence.

Alexandre Kerval, publié le 22 avril 2025

« Je voudrais une boîte de … » : les conseils OTC à prodiguer

Un premier pas essentiel : accueillir et écouter pleinement

L’accueil est bien plus qu’une formalité : c’est le premier signal que perçoit le patient. Un sourire, un regard disponible, une posture ouverte instaurent d’emblée un climat de confiance. L’écoute active devient alors la pierre angulaire de la relation : être présent, reformuler les propos du patient, capter les messages non verbaux (inquiétude, douleur dissimulée, besoin d’être rassuré).

D’après : Attentes des patients vis-à-vis de la pharmacie d’officine : critère de choix d’une officine et de satisfaction des patients

Gendre Thomas (2015)À ce stade, privilégier les questions ouvertes est déterminant : « Que puis-je faire pour vous aujourd’hui ? », « Pouvez-vous me décrire ce que vous ressentez ? ». Laisser le patient s’exprimer librement permet souvent de détecter des éléments importants qu’une question fermée aurait laissé dans l’ombre.

Le réflexe pro : reformuler dès le début (« Si je comprends bien, votre douleur est surtout présente le soir ? ») pour vérifier que l’on cerne correctement le besoin.

Une collecte d’informations méthodique, sans précipitation

Après l’écoute initiale, il est nécessaire de structurer l’échange pour recueillir les informations indispensables à un conseil sûr et adapté :

  • À qui est destiné le traitement ? (enfant, femme enceinte, personne âgée, patient polymédiqué…)
  • Quels symptômes ? (localisation, durée, intensité, facteurs aggravants ou soulageants)
  • Depuis combien de temps ? (apparition aiguë ou chronique)
  • Antécédents médicaux et facteurs de risque ? (pathologies, allergies, traitements en cours, état physiologique particulier)
  • Médicaments, compléments ou plantes consommés actuellement ?

Un questionnement structuré permet d’éviter l’écueil de l’automédication inappropriée, de prévenir les interactions et de sécuriser l’acte pharmaceutique.

Le réflexe pro : penser toujours en termes de « patient global » et non uniquement de « symptôme isolé ».

Analyser et orienter : évaluer le niveau de gravité

Tous les symptômes ne se valent pas. L’analyse rapide et rigoureuse de la situation est indispensable : certains signes imposent une orientation médicale immédiate (douleur thoracique aiguë, troubles neurologiques soudains, signes d’infection sévère, perte de poids inexpliquée…).

Dans les cas bénins compatibles avec l’automédication, il faut également être attentif aux facteurs de vulnérabilité : une simple toux chez un patient immunodéprimé ne se gérera pas comme une toux banale chez un adulte jeune en bonne santé.

Le réflexe pro : toujours prioriser la sécurité du patient. Quand le doute subsiste, mieux vaut recommander une consultation.

Formuler un conseil précis, personnalisé et engageant

Si l’automédication est indiquée, vient alors l’étape clé de la recommandation :

  • Expliquer clairement le traitement proposé : nom, fonction, durée d’utilisation.
  • Préciser la posologie, la fréquence, les modalités de prise (avant/après repas, durée maximale d’automédication).
  • Informer sur les effets secondaires éventuels, les interactions possibles, les signes d’aggravation justifiant une consultation.
  • Proposer des mesures associées : conseils d’hygiène, mesures diététiques, astuces pratiques pour soulager les symptômes.

Le conseil ne se limite pas au médicament délivré : il englobe aussi une démarche de prévention et d’éducation thérapeutique adaptée au patient.

Le réflexe pro : toujours vérifier que le patient a bien compris en l’invitant à reformuler (« Comment allez-vous utiliser ce traitement ? »).

Sécuriser l’adhésion : conclure efficacement l’échange

La qualité du conseil ne se mesure pas uniquement à sa pertinence, mais aussi à la capacité du patient à l’appliquer correctement. Pour cela :

  • Récapituler les informations principales.
  • Remettre un support écrit si nécessaire : plan de posologie (RePo), brochures éducatives.
  • Documenter l’échange dans le Dossier Pharmaceutique pour assurer un suivi ultérieur et prévenir les risques d’erreur.

Le réflexe pro : valoriser le rôle éducatif du pharmacien en donnant au patient des outils simples et accessibles.

Adapter son conseil à l’évolution des besoins : une vigilance permanente

Le contexte démographique et sanitaire évolue rapidement : vieillissement de la population, maintien à domicile, augmentation des maladies chroniques, patients de plus en plus informés (et parfois désinformés). Dans ce contexte, le pharmacien doit faire évoluer ses pratiques de conseil :

  • Pour les patients âgés : proposer des services comme le Bilan Partagé de Médication (BPM) pour optimiser les traitements et prévenir la iatrogénie.
  • Pour les patients polymédiqués : discuter de la Préparation des Doses à Administrer (PDA) afin d’améliorer l’observance.
  • Pour les patients jeunes ou connectés : offrir une information fiable et adaptée, lutter contre les fake news santé.

Au-delà de l’ordonnance ou du conseil immédiat, le pharmacien devient un acteur clé de la continuité des soins, du dépistage précoce et de l’éducation thérapeutique.