Prévention et traitement de l'herpès labial : que conseiller ?

Fréquent au comptoir, l'herpès labial est une infection virale causée par le virus Herpes simplex de type 1 (HSV-1). Si ses symptômes sont bien connus, le mécanisme de latence et les modalités de réactivation offrent des pistes intéressantes pour une prise en charge éclairée et optimale. Focus sur les traitements disponibles, leurs mécanismes d'action et les limites actuelles.

Thomas Kassab, DU de Pharmacie clinique, publié le 27 février 2025

Prévention et traitement de l’herpès labial : que conseiller ?

HSV-1 : un virus neurotrope et latence persistante

Le HSV-1 est un virus à ADN double brin de la famille des Herpesviridae. Après une primo-infection, souvent contractée dans l’enfance (contact salivaire, objets contaminés), le virus migre le long des fibres nerveuses sensitives pour établir sa latence dans les ganglions neuronaux, principalement le ganglion trigéminé.

Cette latence repose sur l’expression limitée de certains ARN viraux dits LAT (Latency-Associated Transcripts), qui permettent au virus de demeurer silencieux dans les neurones, tout en échappant à l’immunosurveillance.

Diagnostic différentiel : aphte ou herpès buccal ?

Localisation des lésions

L’herpès buccal se manifeste souvent sur les lèvres, à la jonction muco-cutanée. Les aphtes apparaissent à l’intérieur de la bouche (langue, gencives, muqueuse buccale).

Aspect des lésions

Demandez si les lésions sont des vésicules remplies de liquide qui forment des croûtes (typique de l’herpès). Les aphtes sont des ulcérations rondes ou ovales, bordées d’un halo rouge et recouvertes d’un enduit blanchâtre.

Douleur et déclencheurs

L’herpès peut provoquer une douleur ou des picotements dès le stade prodromique, fréquemment déclenché par le stress, le soleil ou la fièvre. Les aphtes sont douloureux au contact, généralement déclenchés par une irritation (aliments acides ou épicés, morsure).

Quels facteurs de réactivation ?

La réactivation du HSV-1 est liée à une altération transitoire de l’équilibre immunitaire ou à des agressions locales. Les facteurs déclenchants les plus courants incluent :

  • Stress oxydatif et cortisol élevé : altèrent la réponse immunitaire innée.
  • Exposition UV ou thermique : fragilise l’épiderme et réactive les virions latents.
  • Microtraumatismes locaux : chirurgie dentaire, dermabrasions, etc.
  • Épisodes fébriles : stimulent les cytokines inflammatoires comme l’IL-6.

La réactivation se traduit par une réplication active dans les neurones, suivie d’une migration rétrograde vers l’épiderme, où apparaissent les lésions vésiculaires caractéristiques.

Quel arsenal thérapeutique ?

La prise en charge de l’herpès labial repose sur une combinaison d’approches locales et mécaniques, adaptées à la sévérité et au stade des lésions. Si l’aciclovir reste la référence en matière de traitement, des dispositifs complémentaires permettent d’améliorer la prise en charge globale, notamment au comptoir.

Aciclovir topique

L’aciclovir, un analogue nucléosidique synthétique, inhibe spécifiquement l’ADN polymérase de HSV-1. Phosphorylé par la thymidine kinase virale (TKV) au sein des cellules infectées, il s’intègre dans la chaîne d’ADN viral en croissance, provoquant un arrêt de la réplication. Utilisation : application dès les prodromes (picotements, démangeaisons) à raison de 5 fois par jour, pendant cinq jours. Points forts : action ciblée sur les cellules infectées grâce à l’activation par la TKV et réduction modérée de la durée des symptômes (1 à 2 jours si débuté précocement). Limites : l’application très précoce est indispensable pour limiter la réplication virale avant l’apparition des vésicules, mais l’efficacité reste limitée, même dans ces conditions (voir encadré), d’où le déremboursement du Zovirax® et ses génériques. De plus, ces crèmes présentent une moindre efficacité une fois les lésions développées.

Aciclovir topique : une efficacité remise en question

Les crèmes antivirales, comme l’aciclovir et le docosanol (phase prodromique de l’herpès labial), disposent d’une AMM. Cependant, la HAS, dans son avis de 2018, juge leur efficacité clinique insuffisamment démontrée et souligne le risque de sélectionner des souches d’HSV résistantes. La Commission de la Transparence considère ainsi qu’ils n’ont pas de place dans la stratégie thérapeutique de l’herpès.

Virpax® : aciclovir en buccogingival

Commercialisé par Zambon, Virpax® est un comprimé buccogingival muco-adhésif contenant 50 mg d’aciclovir. Il se distingue par sa voie d’administration unique et sa libération prolongée de l’antiviral. Mode d’administration : application unique dans la fosse canine de la gencive supérieure, au-dessus des incisives et à placer dès les premiers symptômes. Le comprimé se dissout progressivement sur 6 à 8 heures, permettant une libération prolongée et ciblée de l’aciclovir. Bénéfices observés : amélioration de l’observance grâce à une application unique. Discrétion et confort pour le patient par rapport à la crème. Réduction de la durée des symptômes et accélération de la guérison

Patchs hydrocolloïdes : une alternative protectrice

Les patchs Compeed Bouton de Fièvre® ne contiennent pas d’antiviral, mais offrent une approche mécanique intéressante, en particulier pour les patients préoccupés par l’apparence esthétique des lésions ou souhaitant limiter la propagation virale. Mécanisme d’action : création d’un microenvironnement humide favorisant la cicatrisation épidermique. Isolement des lésions, limitant la dissémination du virus et le risque de surinfection bactérienne. Bénéfices observés : réduction des douleurs associées aux lésions grâce à l’effet protecteur. Discrétion et confort pour les patients.

Antiviraux per os : pour les formes sévères

Listés, les antiviraux systémiques comme le valaciclovir (pro-drogue de l’aciclovir) ou le famciclovir peuvent être indiqués dans des cas spécifiques :

  •  Récidives fréquentes (> 6 épisodes/an).
  •  Formes compliquées ou disséminées, notamment chez les patients immunodéprimés.

Ces molécules agissent de manière systémique, offrant une biodisponibilité accrue par rapport aux formes topiques, mais nécessitent un suivi médical rigoureux pour limiter les effets indésirables et les interactions médicamenteuses potentielles.

Et la lysine ?

La lysine, un acide aminé essentiel, a été étudiée pour son rôle potentiel dans la prévention et le traitement de l’herpès labial. Une étude en double aveugle a montré qu’une dose de 1 g trois fois par jour pendant six mois réduisait significativement la fréquence et la gravité des poussées. Cependant, les résultats restent contradictoires, et la lysine n’est pas officiellement recommandée. Elle peut néanmoins être utilisée en complément des antiviraux classiques, notamment chez les patients à récidives fréquentes, à des doses de 1 à 3 g par jour, en plusieurs prises.

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