L’inclusion en officine : des avancées réelles, mais encore des obstacles à lever.
À l’occasion de PharmagoraPlus 2025, Pharma365 animait une table ronde engagée sur l’inclusion en officine. Entre avancées réelles et défis encore nombreux, retour sur un débat riche en témoignages, en prises de conscience et en propositions concrètes pour que la pharmacie devienne enfin accessible à tous.

Lors du salon PharmagoraPlus 2025, dans le cadre d’une table ronde animée par Pharma365, plusieurs experts et étudiants engagés se sont réunis pour discuter d’un enjeu majeur pour l’avenir de la pharmacie : l’inclusion des personnes en situation de handicap. Pendant près d’une heure, les intervenants ont dressé un état des lieux précis, souligné les avancées remarquables, mais également pointé les difficultés récurrentes qui freinent encore une réelle intégration des personnes concernées.
Autour de cette table ronde, Pharma365 accueillait trois intervenants aux parcours riches et complémentaires :
- David Paitraud, journaliste, pharmacien consultant chez Pharmaradio, dont l’expérience lui a permis d’apporter un éclairage précieux sur la réalité du terrain.
- Chloé Sabatier, vice-présidente chargée de la lutte contre les inégalités sociales à l’ANEPF (Association Nationale des Étudiants en Pharmacie de France), porte-parole d’une nouvelle génération particulièrement mobilisée.
- Nabil Belkadi, docteur en pharmacie et étudiant en audioprothèse à Montpellier, lui-même en situation de handicap auditif, venu partager son expérience personnelle et professionnelle, notamment sur les défis liés aux handicaps invisibles.
Un état des lieux contrasté
La table ronde a débuté par un constat sans appel : en France, près de 12 millions de personnes sont en situation de handicap, soit environ 18 % de la population selon les chiffres de l’INSEE. Contrairement aux idées reçues, plus de 80 % de ces handicaps sont invisibles (troubles cognitifs, dyslexie, surdité partielle, maladies chroniques, etc.). Pourtant, comme l’a rappelé David Paitraud, « beaucoup d’officines restent pensées essentiellement pour des personnes valides ou présentant des handicaps visibles, en particulier moteurs ».
Les enquêtes récentes présentées pendant la conférence révèlent que moins de 30 % des établissements recevant du public (ERP) respectent totalement les normes d’accessibilité obligatoires depuis la loi du 11 février 2005. Les officines, bien qu’obligées de se conformer à ces règles, ne font pas exception à ce retard généralisé.
Pour Nabil Belkadi, qui connaît bien ces difficultés sur le terrain, « les pharmacies qui réalisent des aménagements ergonomiques ou auditifs restent minoritaires ». Le jeune pharmacien insiste sur la nécessité urgente d’améliorer l’environnement acoustique dans les officines, par exemple avec des comptoirs isolés ou un espace d’échange plus calme, pour les patients comme pour les professionnels malentendants.
Des avancées notables portées par les étudiants
Malgré ces freins, des avancées concrètes ont été soulignées durant l’échange. En effet, Chloé Sabatier a mis en avant le rôle clé des étudiants dans l’évolution des mentalités : « À travers les actions de sensibilisation menées dans les facultés et via l’ANEPF, les étudiants en pharmacie prennent désormais à cœur la question du handicap ». Des ateliers pratiques, par exemple sur la langue des signes ou la communication inclusive, sont régulièrement organisés dans plusieurs facultés.
Pharma365 relève par ailleurs des initiatives exemplaires dans certaines officines : comptoirs ajustables en hauteur, installation de rampes, formations à l’accueil des personnes malentendantes ou à mobilité réduite. « Des exemples à suivre, mais qui restent malheureusement trop rares », a précisé David Paitraud.
Autre élément positif : l’impact médiatique des récents Jeux Paralympiques de Paris, qui a permis une meilleure prise de conscience collective sur les capacités professionnelles des personnes en situation de handicap. Comme l’a rappelé Nabil Belkadi, « les Jeux Paralympiques montrent que le handicap n’est pas synonyme d’incapacité, et cela commence à influencer positivement les mentalités ».
Des limites persistantes qui freinent l’inclusion
Toutefois, les échanges animés par le rédacteur en chef de Pharma365 ont mis en évidence plusieurs limites préoccupantes. Tout d’abord, le manque de moyens financiers reste un frein majeur : 60 % des titulaires d’officine citent les coûts élevés des aménagements comme principal obstacle. Pourtant, comme l’a rappelé Nabil Belkadi, « beaucoup ignorent l’existence des aides financières, comme les exonérations fiscales, les aides à l’embauche ou à l’aménagement. Une meilleure information à ce sujet pourrait changer la donne ».
Par ailleurs, la reconnaissance des handicaps invisibles reste complexe : Chloé Sabatier a évoqué le cas de collaborateurs souffrant de troubles comme le TDAH ou de douleurs chroniques, dont les besoins spécifiques sont souvent mal compris ou sous-estimés par leur entourage professionnel.
Enfin, la lourdeur administrative, souvent dénoncée par les titulaires, décourage parfois les officines à se lancer dans des démarches d’adaptation pourtant obligatoires. David Paitraud précise : « Les officines savent qu’elles doivent s’adapter, mais face au manque de suivi et à la complexité des démarches administratives, certaines préfèrent ne rien faire, par manque de temps ou par crainte d’une surcharge administrative ».
Un appel à une mobilisation collective
En conclusion de cette table ronde, Pharma365 a insisté sur le fait que l’inclusion en officine ne doit pas être vue comme une contrainte administrative ou financière, mais bien comme une chance d’améliorer l’accueil des patients et le confort des collaborateurs. L’enjeu est de rendre chaque officine exemplaire, afin qu’elle devienne un lieu pleinement accessible, capable d’accueillir et d’intégrer toutes les personnes, quelle que soit leur situation.
Les intervenants ont également appelé à une collaboration renforcée entre professionnels de santé, étudiants, institutions et pouvoirs publics pour mieux appliquer les lois existantes et lever les obstacles persistants. Comme l’a résumé Nabil Belkadi : « Il est temps que l’officine soit pionnière de l’inclusion et montre l’exemple à l’ensemble du secteur de la santé. C’est une question de responsabilité sociale mais aussi de progrès humain ».
Cette table ronde, modérée par le rédacteur en chef de Pharma365, aura permis de poser clairement les bases d’un débat qui se prolongera très prochainement dans les pages du magazine ainsi que sur les ondes de Pharmaradio, où Pharma365 a été invité à poursuivre les échanges et à proposer des solutions concrètes pour l’inclusion de demain.