Pharmaciens et interprofessionnalité : un virage nécessaire ou un risque de dilution ?
Pharmacien, acteur clé du parcours de soins ou simple rouage d’une machine interprofessionnelle ? Lors de PharmagoraPlus 2025, experts et représentants de la profession ont débattu de l’intégration des pharmaciens au sein des équipes médicales. Entre opportunités et craintes, la discussion a mis en lumière un enjeu majeur : comment évoluer sans se diluer ?

L’avenir du pharmacien au sein des équipes de soins en débat
Lors du salon PharmagoraPlus 2025, une table ronde animée par Thomas Kassab, rédacteur en chef de Pharma365, a réuni des experts pour discuter d’un sujet brûlant : l’intégration des pharmaciens au sein des équipes médicales. Une évolution incontournable ou une menace pour l’identité de la profession ? Si le sujet est d’actualité, il divise encore la profession et soulève de nombreuses interrogations, tant sur le plan pratique que réglementaire.
Une table ronde animée
Dans une salle comble, le débat s’est ouvert avec une question clé : la coopération entre pharmaciens, médecins et infirmiers constitue-t-elle un atout ou un risque ? Dany Ros, pharmacien de Practice Avancée au Pembroke Medical Group (Royaume-Uni), a immédiatement mis en avant les bénéfices d’un travail collaboratif. « L’interprofessionnalité renforce notre efficacité et améliore la prise en charge des patients », a-t-il expliqué, illustrant ses propos par l’exemple britannique où pharmaciens et médecins travaillent main dans la main.
Il a notamment mis en lumière le fait que, dans son pays, les pharmaciens en exercice avancé participent directement aux diagnostics et aux ajustements thérapeutiques, une évolution qui, selon lui, pourrait être bénéfique en France si elle était bien encadrée. « Le pharmacien ne se substitue pas au médecin, il vient en appui, dans une logique de fluidification du parcours de soins », a-t-il insisté.
Des craintes sur l’identité du pharmacien
Béatrice Clairaz-Mahiou, pharmacienne d’officine, a quant à elle exprimé les inquiétudes d’une partie de la profession. « Nous devons veiller à ce que notre expertise du médicament ne soit pas diluée dans un rôle élargi qui nous éloignerait de notre cœur de métier », a-t-elle souligné, mettant en avant le risque d’une perte de reconnaissance du pharmacien en tant que spécialiste du médicament.
Elle a rappelé que l’officine, malgré son rôle clé dans l’accompagnement des patients chroniques et la prévention, demeure parfois perçue par certains acteurs comme un simple point de dispensation. « Il est crucial que l’interprofessionnalité ne nous fasse pas perdre notre place centrale dans la gestion thérapeutique des patients », a-t-elle ajouté.
Les étudiants en quête d’un modèle hybride
Blandine Gatto et Valentin Masseron, représentants de l’ANEPF, ont partagé la vision des futures générations de pharmaciens. Favorables à une plus grande intégration dans les équipes de soins, ils voient cette transformation comme une opportunité. « Le pharmacien doit évoluer pour répondre aux besoins des patients et du système de santé, mais sans perdre son ADN », a insisté Blandine Gatto.
Les étudiants en pharmacie sont nombreux à plébisciter une meilleure reconnaissance du rôle du pharmacien clinicien et du pharmacien prescripteur, une évolution qui commence timidement en France avec la prescription conditionnelle. Mais ils restent vigilants : « Il est impératif que notre formation évolue pour accompagner cette transition », a précisé Valentin Masseron. Ils appellent à une refonte du cursus universitaire pour intégrer davantage de formation pratique en milieu hospitalier et en médecine générale.
Quelles solutions pour un équilibre ?
Pour éviter une perte d’identité tout en embrassant cette transformation, plusieurs pistes ont émergé :
- Renforcer la formation interprofessionnelle dès les études pour favoriser la complémentarité des rôles.
- Définir un cadre juridique et financier clair pour encadrer les nouvelles missions du pharmacien.
- Valoriser le rôle de l’expert du médicament, en mettant en avant ses compétences spécifiques face aux autres professionnels de santé.
- Encourager l’expérimentation de nouveaux modèles en pharmacie clinique, notamment en milieu rural où les besoins de coordination sont accrus.
- Garantir une rémunération adaptée aux nouvelles responsabilités des pharmaciens, pour éviter que la surcharge administrative ne freine leur engagement dans l’interprofessionnalité.
Une opportunité à saisir, sous conditions
Cette table ronde a démontré que l’interprofessionnalité n’est pas une menace en soi, mais qu’elle doit être accompagnée d’une réflexion approfondie sur le positionnement du pharmacien. La clé du succès réside dans la reconnaissance de son expertise unique et son rôle central dans le parcours de soins. Un cadre juridique protecteur, une formation adaptée et un modèle économique viable sont des conditions essentielles pour que cette évolution soit bénéfique à tous.
En conclusion, si la coopération entre professionnels de santé s’impose comme un levier majeur pour améliorer l’accès aux soins, elle ne doit pas se faire au détriment de l’identité du pharmacien. Le débat est lancé, et l’avenir de la profession dépendra des choix stratégiques qui seront faits dans les prochaines années. Une certitude demeure : le pharmacien ne peut plus rester en marge de ces évolutions.